« Écrire, c'est voler. » Après Premier sang, prix Renaudot 2021, Amélie Nothomb révèle la genèse de sa carrière d'écrivaine.
« Je n'ai pas le droit aux sentiments. Les sentiments c'est un océan, tu t'y noies. Pour survivre ici, il faut être en granit. Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret. Même lorsque tu as peur, même lorsque tu as faim, même lorsque tu as froid, même au seuil de la nuit cellulaire, lorsque l'obscurité dessine le souvenir de ta mère dans un recoin. Rester droit, sec, nuque raide. N'avoir que des poings au bout de tes bras. Tant pis pour les coups, les punitions, les insultes. S'évader les yeux ouverts et marcher victorieux dans le sang des autres, mon tapis rouge. Toujours préférer le loup à l'agneau. » Dans la nuit du 27 août 1934, cinquante-six gamins se révoltent et s'échappent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Voici ouverte la chasse aux enfants. Tous sont capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l'aube, un évadé manque à l'appel. Voici son histoire...
Trois histoires d'amour, un lanceur d'alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d'exotisme, une passion soudaine et irrésistible. Et quelques meurtres.
« Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d'avantages, même après. » Au lendemain du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des « sentiers de la gloire » à l'apologie de la patrie victorieuse, ils se joueront d'une piété qui n'honore les morts que pour mieux oublier les survivants. Fresque d'une rare cruauté, Au revoir là-haut est le grand roman de l'après-guerre de 14. Dans l'atmosphère délétère des lendemains qui déchantent, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.
Lu par Zineb Triki
- Le dolmen dont tu m'as parlé, Johan, il est bien sur la route du petit pont ?
- À deux kilomètres après le petit pont, ne te trompe pas. Sur ta gauche, tu ne peux pas le manquer. Il est splendide, toutes ses pierres sont encore debout.
- Ça date de quand, un dolmen ?
- Environ quatre mille ans.
- Donc des pierres pénétrées par les siècles. C'est parfait pour moi.
- Mais parfait pour quoi ?
- Et cela servait à quoi, ces dolmens ? demanda Adamsberg sans répondre.
- Ce sont des monuments funéraires. Des tombes, si tu préfères, faites de pierres dressées recouvertes par de grandes dalles. J'espère que cela ne te gêne pas.
- En rien. C'est là que je vais aller m'allonger, en hauteur sur la dalle, sous le soleil.
- Et qu'est-ce que tu vas foutre là-dessus ?
- Je ne sais pas, Johan.
Christophe Brault s'empare avec brio de cette nouvelle enquête du commissaire Adamsberg.
«Année après année, Mathilde revint à la charge. Chaque été, quand soufflait le chergui et que la chaleur, écrasante, lui portait sur les nerfs, elle lançait cette idée de piscine qui révulsait son époux. Ils ne faisaient aucun mal, ils avaient bien le droit de profiter de la vie, eux qui avaient sacrifié leurs plus belles années à la guerre puis à l'exploitation de cette ferme. Elle voulait cette piscine, elle la voulait en compensation de ses sacrifices, de sa solitude, de sa jeunesse perdue.»1968:à force de ténacité, Amine a fait de son domaine aride une entreprise florissante. Il appartient désormais à une nouvelle bourgeoisie qui prospère, fait la fête et croit en des lendemains heureux. Mais le Maroc indépendant peine à fonder son identité nouvelle, déchiré entre les archaïsmes et les tentations illusoires de la modernité occidentale, entre l'obsession de l'image et les plaies de la honte. C'est dans cette période trouble, entre hédonisme et répression, qu'une nouvelle génération va devoir faire des choix.Suliane Brahim restitue avec grâce un récit brillant, qui poursuit et enrichit une fresque familiale vibrante d'émotions, incarnée par des figures inoubliables.
Lu par Robin Renucci
En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le labyrinthe de l'inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de « Rimbaud nègre », depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s'engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T.C. Elimane, se confrontant aux grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l'Argentine, quelle vérité l'attend au centre de ce labyrinthe ?Sans jamais perdre le fil de cette quête qui l'accapare, Diégane, à Paris, fréquente un groupe de jeunes auteurs africains : tous s'observent, discutent, boivent, font beaucoup l'amour, et s'interrogent sur la nécessité de la création à partir de l'exil. Il va surtout s'attacher à deux femmes : la sulfureuse Siga, détentrice de secrets, et la fugace photojournaliste Aïda...
« Le 18 août 2021, j'ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l'Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Comment l'appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment. Est-ce un témoignage, un testament, une oeuvre ?
Celle d'une jeune fille, qui n'aura pour tout voyage qu'un escalier à monter et à descendre, moins d'une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l'imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J'imaginais la nuit propice à accueillir l'absence d'Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s'est habitée, éclairée de reflets ; au coeur de l'Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver. » Lola Lafon À l'écoute des traces laissées par ceux qui vécurent dans l'Annexe, Lola Lafon interroge et détisse le mythe d'Anne Frank pour mieux s'approcher de l'adolescente qu'elle fût et de sa mue en écrivaine à l'oeuvre censurée, autant malmenée qu'adorée.
«TU VEUX PAS ÉCRIRE UN ROMAN SÉRIEUX ?» a conseillé Lisa à Alan, avant de le quitter pour un universitaire spécialiste de Ronsard. Depuis, Alan cherche un sujet de «roman sérieux». Il veut profiter de l'été qui commence pour se plonger avec la discipline d'un guerrier samouraï dans l'écriture d'un livre profond et poignant. Ça et aussi s'occuper de la piscine des voisins partis en vacances. Or bientôt l'eau du bassin se met à verdir, de drôles d'insectes appelés notonectes se multiplient à la surface... Benjamin Lavernhe s'empare avec grâce de ce récit doux-amer, chronique drôle et tendre de l'absurde de nos vies.
Florence, 1557. Le peintre Pontormo est retrouvé assassiné au pied des fresques auxquelles il travaillait depuis onze ans. Un tableau a été maquillé. Un crime de lèse-majesté a été commis. Vasari, l'homme à tout faire du duc de Florence, est chargé de l'enquête. Pour l'assister à distance, il se tourne vers le vieux Michel-Ange exilé à Rome.
La situation exige discrétion, loyauté, sensibilité artistique et sens politique. L'Europe est une poudrière. Cosimo de Médicis doit faire face aux convoitises de cousine Catherine, reine de France, alliée à son vieil ennemi, le républicain Piero Strozzi. Les couvents de la ville pullulent de nostalgiques de Savonarole tandis qu'à Rome, le pape condamne les nudités de la chapelle Sixtine.
Perspective(s) est un polar historique épistolaire. Du broyeur de couleurs à la reine de France en passant par les meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, chacun des correspondants joue sa carte. Tout le monde est suspect.
« Il m'aura fallu courir le monde et tomber d'un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j'ignorais les replis, d'un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides.
La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs.
Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre. » Sylvain Tesson
Au coeur d'un maquis méditerranéen surgit un homme fourbu et sale. Soldat inconnu échappé d'une guerre indéterminée, il semble fuir sa propre violence dans le hors-champ des batailles. Une rencontre le force à recalculer sa trajectoire et sa notion du prix d'une vie.
Aux alentours de Berlin, à bord d'un petit paquebot de croisière, le 11 septembre 2001, un colloque rend hommage à Paul Heudeber, génial mathématicien est-allemand, rescapé de Buchenwald, antifasciste resté loyal à son côté du Mur de Berlin, malgré l'effondrement de l'utopie communiste.
De la tension entre ces deux récits s'élève, comme par une sorte de magie - poétique, spatiale, mathématique -, tout ce qui se joue, en amour comme en politique, entre l'engagement et la trahison, entre la fidélité et la lucidité, entre l'espoir et la survie.Les phrases tirées de l'Evangile le sont dans la traduction de Frédéric Boyer (Gallimard, 2022), le quatrain d'Omar Khayyam est traduit par Gilbert Lazard (La Différence, 1995).
« Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) d'aventure pour partager avec moi ce dernier périple. » Émile n'a plus beaucoup de temps à vivre. Il a décidé de fuir l'hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à son annonce. Trois jours plus tard, devant un camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence. Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté où naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l'amitié, l'amour, qui peu à peu percent la carapace de douleurs d'Émile.
Une écriture vive et alerte et des personnages terriblement attachants font de Tout le bleu du ciel un premier roman inoubliable. Avec sa voix chaleureuse Bruno Meyere nous entraîne dans ce road-movie bouleversant.
Lu par Laurent Stocker et Yaël Elhadad
« La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de voeux. Elle n'était pas signée, l'auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l'opéra Garnier d'un côté, et de l'autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j'ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s'ouvraient à moi.
Ce livre m'a menée cent ans en arrière. J'ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.
J'ai essayé de comprendre pourquoi ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et d'éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages.
Le roman de mes ancêtres est aussi une quête initiatique sur la signification du mot «Juif» dans une vie laïque. ».
À la fois récit des origines et enquête familiale, ce roman se dévore. Ariane Brousse incarne à merveille les personnages émouvants de cette saga qui court sur plus d'un siècle.
Suivi d'un entretien avec l'autrice
Après l'immense succès du Grand Monde.
Un ogre de béton, une vilaine chute dans l'escalier, le Salon des arts ménagers, une grossesse problématique, la miraculée du Charleville-Paris, la propreté des Françaises, « Savons du Levant, Savons des Gagnants », les lapins du laboratoire Delaveau, vingt mille francs de la main à la main, une affaire judiciaire relancée, la mort d'un village, le mystérieux professeur Keller, un boxeur amoureux, les nécessités du progrès, le chat Joseph, l'inexorable montée des eaux, une vendeuse aux yeux gris, la confession de l'ingénieur Destouches, un accident de voiture.
Et trois histoires d'amour.
Dans ce roman virtuose, Pierre Lemaitre nous propose une plongée mouvementée et jubilatoire dans les Trente Glorieuses.
Avec la participation de Françoise Cadol pour la lecture de l'article « La Française est-elle propre ? » paru dans le magazine Elle.
«Ma plus jeune soeur Verdun est née toute hurlante dans La Fée Carabine, mon neveu C'Est Un Ange est né orphelin dans La Petite Marchande de prose, mon fils Monsieur Malaussène est né de deux mères dans le roman qui porte son nom, ma nièce Maracuja est née de deux pères dans Aux fruits de la passion. Les voici adultes dans un monde on ne peut plus explosif, où ça mitraille à tout va, où l'on kidnappe l'affairiste Georges Lapietà, où Police et Justice marchent la main dans la main sans perdre une occasion de se faire des croche-pieds, où la Reine Zabo, éditrice avisée, règne sur un cheptel d'écrivains addicts à la vérité vraie quand tout le monde ment à tout le monde. Tout le monde sauf moi, bien sûr. Moi, pour ne pas changer, je morfle.» Benjamin Malaussène. Daniel Pennac interprète avec énergie et délectation cette intrigue policière loufoque, où se croisent tous les personnages de la saga Malaussène. L'écoute en classe de ce CD est autorisée par l'éditeur.
C'est l'histoire d'un enfant différent, toujours allongé, aux yeux noirs qui flottent, un enfant inadapté qui trace une frontière invisible entre sa famille et les autres. C'est l'histoire de sa place dans la maison cévenole où il naît, au milieu de la nature puissante ; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversées. Celle de l'aîné, qui, dans sa relation fusionnelle avec l'enfant, s'abandonne et se perd. Celle de la cadette, dans la colère et le dégoût de celui qui a détruit l'équilibre. Celle du petit dernier qui a la charge de réparer, tout en vivant escorté d'un frère fantôme.
Comme dans un conte, les pierres de la cour témoignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de l'aîné qui aime follement, de la cadette révoltée. Du dernier qui saura réconcilier les histoires.
La naissance d'un enfant handicapé racontée par sa fratrie.
Ce roman magnifique et lumineux sonne juste.
Suite à une épidémie de peste, les autorités décident de fermer la ville d'Oran. Les habitants s'organisent pour survivre au siège de cette maladie mortelle et en particulier le docteur Rieux. Il est l'un des premiers à identifier les symptômes de la maladie et devient une figure centrale dans l'organisation sanitaire de la ville. Parmi les autres personnages, certains seront attachants, d'autres sembleront ailleurs, d'autres reconnaîtront dans la catastrophe la main de Dieu qui punit les pécheurs. Mais finalement, ils seront tous embarqués dans une lutte sans merci. Celle de la survie. Christian Gonon incarne le narrateur masqué et discret de La peste. D'une voix un peu détachée, car le narrateur se veut être un témoin fidèle, il décrit au jour le jour les «faits véritables» qui se sont produits à Oran pendant le fléau. Une lecture humble et pudique au service d'un texte mythique. L'écoute en classe de ces CD est autorisée par l'éditeur.
Mai 2016. Dans une aile ultrasécurisée du Palais de justice, la juge Alma Revel doit se prononcer sur le sort d'un jeune homme suspecté d'avoir rejoint l'État islamique en Syrie. À ce dilemme professionnel s'en ajoute un autre, plus intime:mariée depuis plus de vingt ans à un écrivain à succès sur le déclin, Alma entretient une liaison avec l'avocat qui représente le mis en examen. Entre raison et déraison, ses choix risquent de bouleverser sa vie et celle du pays...À travers le quotidien tourmenté d'une juge d'instruction antiterroriste, Florence Loiret Caille nous emporte au coeur des replis de l'âme humaine, entre noirceur et espoir.
Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu'il s'est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l'attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d'un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant.
Au milieu de son existence qui s'effondre, Liam a une certitude : ce monde sauvage n'est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d'autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d'un enfant terrifié.
Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d'une nature aussi écrasante qu'indifférente à l'humain. Au fil de ces pages sublimes, elle interroge l'instinct paternel et le prix d'une possible renaissance.
Thierry Hancisse, de la Comédie-Française, épouse l'écriture de Sandrine Collette et le cheminement de Liam.
« La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s'étonna de l'autorité qui émanait d'une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l'obscurité. «On dirait une enfant», pensa la première, «elle ressemble à une poupée», songea la seconde.
Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire. » À travers l'histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d'une époque où l'on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s'expose et se vend, jusqu'au bonheur familial.
Françoise Gillard éclaire de tout son talent ce roman à la noirceur envoûtante, qui sonde le culte de l'ego et ses dérives jusqu'au vertige.