À l'ombre de ses romans et récits, Annie Ernaux, comme jadis Virginia Woolf, écrit au fil des jours ses pensées, ses réflexions sur la vie, ses recherches en écriture. C'est là dans ce laboratoire secret de mots, dans l'intimité d'un long dialogue avec elle-même que s'enracine son oeuvre exigeante.
Annie Ernaux nous livre quelques fragments de ce journal dont elle destine l'intégralité à la postérité. C'est dire si ces pages entrouvertes aux lecteurs d'aujourd'hui sont un cadeau de confiance et d'amitié. Une manière de partage.
Un certain Marcel Proust, dix]neuf ans en juillet 1890, fait paraitre son premier texte imprime dans le troisieme numero de la revue Le Mensuel. De novembre 1890 a septembre 1891, sous son nom, ses ini..ales et quelques pseudonymes, il donne au Mensuel dix textes : recits, chroniques sur la mode ou les beaux]arts, comptes rendus de la vie mondaine et culturelle. Il y evoque aussi des á choses normandes â et le souvenir d'une certaine Ode..e, jadis aimee, et qu'il visite des annees plus tard dans la nostalgie du temps perdu. Jerome Prieur s'est penche sur l'histoire et le contexte de ces premiers pas li..eraires jusqu'ici demeures inedits. Il nous invite a decouvrir le jeune Marcel dans le monde ephemere et brillant dont lfoeuvre, ici en germe, s'est nourrie.
Expressions familières, citations de chanson, mots de tous les jours, Marie-Hélène Lafon fait fl èche de tout bois. Elle creuse et sculpte la langue pour débusquer derrière les mots, la saveur, les couleurs du vivant. Tout lui est matériaux pour ces Chantiers. Sa vie de fi lle lettrée issue de la campagne, les cérémonies de l'enfance catholique, le quotidien des familles dont elle décrypte les codes avec un humour ravageur, ses écrivains de coeur et de chair - Flaubert et Claude Simon. Jamais Marie-Hélène Lafon n'a été aussi présente dans ses récits, comme si écrire ces choses qui lui sont chères libérait sa plume. C'est son portrait discrètement voilé qui se dessine dans ses pages. Et le rire, l'émotion, une certaine nostalgie jaillissent de la chair dense de son écriture.
Belle lecture de l'Odyssée que celle de Sylvain Fort qui raconte cinq femmes d'Homère, divines ou mortelles, toutes tentatrices et séductrices.
La déesse Calypso, qui offre à Ulysse immortalité et mariage. Nausicaa, éblouissante dans la fleur de sa jeunesse. Hélène dont ni le temps ni la guerre de Troie qu'elle a déclenchée n'ont terni l'éclat ni la beauté éternelle. Circé, déesse et savante qui connaît les secrets de la vie et de la mort, Pénélope et sa longue attente d'Ulysse son époux dont elle célèbrera le retour en exacerbant son désir.
Cette traversée du poème d'Homère est un voyage au féminin, une autre Odyssée, dont les escales ont le visage du désir, de l'amour, de la mort. De la vie.
Début 1951 Char fait la connaissance de Staël à Paris. Les nombreuses visites du poète à l'atelier de Staël, rue Gauguet, fortifient leur admiration et leur fascination réciproques. La correspondance que nous présentons ici éclaire les nombreux projets élaborés en commun, dont la réalisation d'un livre de poèmes de Char accompagné de bois gravés de Staël qui lui font délaisser les pinceaux pour la gouge.
En 1953 Staël et les siens viennent s'installer dans le Sud, à proximité du poète, dans son milieu intime et familier. Poussé par sa recherche passionnée des couleurs et de la lumière, Staël voyage deux ans durant à travers l'Italie et la Sicile., partageant sans cesse avec Char, son jumeau de coeur, sa quête artistique et ses passions.
Les lettres et cartes qu'ils échangent jalonnent leur chemin de créateurs et racontent à demi mot leur magnifique histoire d'amitié.
Le chorégraphe Thierry Thieû Niang a travaillé avec des enfants autistes.
L'écrivain Marie Despléchin, l'a accompagné durant ce stage. Chacun de son côté a pris la plume pour raconter l'impact de cette bouleversante expérience. Marie Despléchin a revisité le passé douloureux où son enfant était interné dans un hôpital psychiatrique.
Thierry Thieû Niang, raconte ces séances de danse avec les enfants autistes et la fin douloureuse d'une histoire d'amour.
Ce double récit s'interroge sur ces limites que la société met entre les êtres dits normaux et les autres. Et de leurs voix singulières, tendres, déchirées, poétiques Marie Despléchin et Thierry Thieû Niang nous invitent à les rejoindre dans ces bois dormants où l'amour et la danse sont des princes charmants.
Reynaldo Hahn, dix neuf ans, musicien, vénézuelien, coqueluche du toute Paris de la Belle Epoque rencontre Marcel Proust , de trois ans son aîné, snob, dandy, à la recherche d'une ascension dans le grand monde. Ces deux fils de famille tombent amoureux l'un de l'autre.
Reynaldo est déjà célèbre, Marcel n'a pas encore commencé à écrire son oeuvre. Leur histoire d'amour durera deux ans et leur amitié survivra à leur éloignement. Reynaldo a souffert de leur rupture et du succès croissant de son ami adulé par l'élite culturelle de la NRF mais, c'est lui qui sera là à l'heure de la mort de Marcel. Dans une lettre à son ami mourant il écrit: "Pour mon ami le plus cher, pour une des personnes que j'ai le plus aimées de ma vie."
Pierre est un anthropologue reconnu dont la vie, pourtant riche, lui laisse un goût d'inachevé. Est-ce son lien brisé avec son père réactionnaire? Son incapacité à se sentir mari ou père? A l'automne de ses jours, alors qu'il se rend à Florence à un colloque "Santé et développement", il croise le chemin d'une jeune Béatrice membre actif de l'OMS, et une des organisatrices de ce colloque.
Il est aimanté par cette femme brillante qui se laisse approcher. A-t-il encore l'âge de rêver d'amour? L'idée de la retrouver une semaine plus tard en Côte d'Ivoire où elle se rend en mission le pousse vers ce Rendez-vous implicite qui réveille les souvenirs de sa vie d'homme et d'anthropologue
L'écrivain compose un journal où il revisite une part de son histoire à travers la correspondance échangée avec des lecteurs, des amis ou des connaissances, depuis 1970. Il y aborde des thèmes qui lui sont chers, comme l'érudition, les questionnements sur le couple, la judéité, etc.
Sur Favitas, une île presque déserte cernée par des pays en guerre, parle Vita une vieille femme solitaire. Elle vit ici avec ses souvenirs, ses morts dont elle porte les ombres, ses chèvres et les paniers qu'elle tresse. Elle a aimé l'île, la mer, le corps des hommes et surtout celui de Yann mort assassiné.
Un jour le fils de Yann, jeune champion de course à pied débarque sur l'île. Il est à la recherche de lui-même. Il court dans le bonheur, la douleur, le doute, le défi. Il court pour n'être plus seulement le fils de Yann. L'Anse des coquelicots a la violence et la beauté des tragédies grecques.
1779. Chose peu fréquente au 18e siècle, un ferblantier parisien fait un procès à sa femme pour adultère. Les pièces de l'accusation dénoncent chez l'épouse des pratiques et des faits qui n'appartiennent pas à son monde.
Alors qu'on est en milieu populaire, les témoignages dépeignent l'accusée comme sortie d'un tableau de Fragonard ou d'un roman libertin de Crébillon.
Les forfaits et débauches dont elle est accusée ne sauraient être les siens tant ils débordent de luxe, bijoux et autres signes de richesses, apanage des seules classes supérieures. Arlette Farge se livre à une analyse passionnée des mots transcrits dans les archives de police. Avec un vrai sens du suspense et une rigueur d'historienne, elle dévoile et éclaire des silences et des ombres du siècle des Lumières.
Jusqu'à cet appel, Jérôme aimait Brigitte et réciproquement.
Mais là, de son portable, dans la rue passante, elle lui annonce la rupture de leur relation. Des années de bonheur coupées net, sans la moindre intimité car de nos jours il n'y a plus de public et de privé. Pourquoi? Un texto lu par Brigitte sur le portable de Jérôme et signé Sophie, disant tout son amour à ce dernier... Mais il ne connaît aucune Sophie... Un texto a valeur de preuve...
Alain Rémond tire d'une banale rupture une comédie loufoque où le réel et le tragique le disputent à l'absurde.
Il y a du Raymond Devos dans ce récit où téléphonie et internet se jouent de l'amour et du hasard. On retrouve ici la verve et le ton jubilatoires de la chronique "Mon oeil" qu'a longtemps signée Alain Rémond dans Télérama.
Une promenade littéraire sur les traces de l'actrice disparue en 1985 à l'âge de 64 ans. De la figure lumineuse de Casque d'or à la beauté flétrie de madame Rosa dans La vie devant soi, la comédienne oscarisée et femme engagée a tout osé, jusqu'à casser son image et se réinventer.
Adoptée à l'âge de 3 ans par un couple aimant et bienveillant, la petite Greta, rebaptisée Annemie, ne cesse de s'interroger sur celle qu'elle était avant et sur ses parents biologiques. A l'adolescence, cette angoisse se transforme en crise profonde qui se manifeste par des mensonges répétés. Un jour, la jeune fille fugue, décidée à remonter les traces de son passé.
Les poèmes et chansons qui composent Stances adoptent non sans quelque ironie le référencement des rubriques de la presse quotidienne.
Art, communication, Science, Culture, Politique, Littérature. Chaque poème est doublé par une chanson qui ajoute de la musique à la musique des mots, qui fait résonner la voix familière des refrains et la parole vive du chant.
Vincent Van Gogh et son malheur de solitude, Les paumés de la vie repoussés à la marge, la langue politique qui a perdu le sens de la langue et donc la pensée..., Jean Rouaud invite à se souvenir, à résister, à honorer cette langue française nourrie par des siècles d'écriture, de chanson, de poésie et qui est, à sa manière, une arme chargée de futur.
Cécilia guide une exposition des Tableaux d'hiver de Bruegel à Wavre en Belgique. Le clou en est le Massacre des Innocents, une des copies de Pierre Bruegel fils, peinte à partir des dessins préparatoires de l'original signé de Brueghel l'ancien.
Ce tableau vendu par ses parents, Cécilia le connaît par coeur, elle a grandi dans son ombre, en Argentine.
En découvrant celui de Wavre, elle voit que ce n'est pas le leur. Mais où est donc passé le Massacre de sa jeunesse? Entre histoire du tableau, histoires familiales, guerres et dictatures, Cecilia relayée par sa fille Camille reconstitue les trajets d'une oeuvre qui raconte un drame et en a cotoyé bien d'autres. Histoire de l'art, du monde, roman familial, quête et enquête, le beau roman de Patricia Emsens s'écrit entre art et vie.
Les frontières de la vie et de la mort, du rêve et de la réalité, de la mémoire et de l'oubli sont poreuses dans l'univers étrange et envoutant des nouvelles de Marc Augé. Car il flirte avec les limites, joue avec nos angoisses, nos fantasmes, nos peurs. Un ami qui vient de mourir et qui appelle son copain au téléphone pour un dernier adieu, un amnésique qui ne cesse de fuir pour remonter le temps, un homme qui attend la nuit et le sommeil pour rejoindre une femme aimée, un autre qui lit l'avis de son décès publié dans la chronique nécrologique du Monde... Marc Augé bouscule le réel juste ce qu'il faut pour que le fantastique des situations ait les couleurs de la vraisemblance. Et son écriture limpide, précise, fluide, ajoute mystère et trouble à ces explorations du coeur des hommes.
Après l'écriture de La Confusion des peines (Stock), un livre douloureux sur son père, Laurence Tardieu ne pouvait plus écrire. Ce journal de 2 mois et demi est sa marche enchantée vers la lumière des mots.
Pascal Ory définit ainsi son projet : « Le corps de l'homme est constitué de quatre-vingt pour cent d'eau, son présent de quatre-vingt dix pour cent de mémoire et sa mémoire d'une très grande proportion de presque-riens, sans lesquels elle serait irrespirable. De longues et futiles recherches ont été nécessaires pour définir ces territoires qui bordaillent le néant, une rigoureuse et arbitraire sélection a permis de ne conserver ici qu'un ensemble aléatoire d'entrées, présentées dans le seul ordre philosophiquement justifié à régir l'univers : l'ordre alphabétique. » Ainsi, dans sa Grande encyclopédie du presque rien, Pascal Ory nous promène aux marges de notre mémoire et de nos ignorances. Les mots, les personnages, les coutumes dont il réveille ici l'histoire et le sens avec une bonne dose d'humour et un soupçon de nostalgie sont de vraies perles de culture.
Depuis longtemps, le narrateur, est fasciné par les tatouages, ces oeuvres d'art modeste qui décorent ou habillent la peau des gens. C'est ainsi que lui est venu le goût du dessin. Il résiste cependant à offrir sa propre peau aux encres de Dimitri, l'ami tatoueur pour lequel il dessine. Mais, lors d'un voyage en Italie, il découvre sur un cadran solaire une phrase latine sur le temps et les heures: vulnerant omnes, ultima necat (toutes blessent, la dernière tue). Il demande à Dimitri de lui graver ces mots sur la poitrine. Dès lors sa vie sociale, amoureuse, spirituelle en est bouleversée. Surtout lorsqu'il découvre que l'encre pâlit sur sa peau et que les premiers mots s'effacent...
Olivier Steiner raconte ici, sans détour et sans masque sa rencontre avec Patrice Chéreau.
Il a rencontré Chéreau lors d'une lecture de la Douleur avec Dominique Blanc. Patrice Chéreau partait le lendemain pour Milan où il allait monter Tristan et Yseult.
Olivier Steiner lui a glissé son numéro de téléphone n'osant rien espérer. Mais Chéreau a appelé.
L'échange a commencé entre eux. Les mots et la distance ont fait naître une sorte d'amour courtois qui s'est transformé plus tard sans épuiser pour autant cette part première de merveilleux. Un livre troublant, tendre, violent, désespéré souvent, dont le sujet est aussi l'écriture dont s'est nourrie leur histoire. Né sous le signe de la Douleur de Marguerite Duras, La Main de Tristan a la beauté sombre d'un adieu à l'adolescence.
C'est le journal d'un fou de littérature, une sorte de don Quichotte contemporain qui ayant lu trop de grands livres en est profondément bouleversé. Mais contrairement au héro de Cervantès, il ne se prend pas pour l'un des personnages de ces romans qui habitent sa vie. Victime d'une " intoxication littéraire" , Il est un écrivain Mort-Debout que sa passion des livres obsède et paralyse. Il tente de faire le point sur sa folie et confie dans ces pages la magnifique et éprouvante expérience qu'est pour lui la littérature. A vivre dans une bibliothèque il en arrive à oublier la vraie vie, à ne fréquenter que des fantômes. Aimer à perdre la raison.
Au seuil du paradis est une invitation au voyage en compagnie des peintres aimés mais aussi une promenade au pays de l'enfance et des premiers émois artistiques.
Tahar ben Jelloun fait ici son autoportrait en amateur d'art, de musique, de cinéma, autrement dit en homme qui privilégie la sensibilité et l'émotion face au travail de l'artiste. Qu'il évoque Giacometti, Delacroix, son ami le regretté Claudio Bravo, mort durant l'écriture de ce livre, Jean Genet et bien d'autres, Tahar ben Jelloun nous fait pénétrer dans l'intimité de son regard, dans celui de ses parents, de ses proches qui entretenaient avec l'artisanat, avec l'art, une relation familière et simple.
Beauté du geste de la brodeuse, du potier, du sculpteur, du peintre, des caractères noirs sur la page blanche... Les lignes de l'écriture sont poèmes et dessins. L'enchantement des images, promesse de paradis.
Damoclès naquit.
Une quinzaine d'années plus tard, il comprit enfin qu'il était né sans l'avoir voulu. Ce fut son dépucelage.
Alors il se décida à lever les yeux vers le ciel ; il vit, juste au- dessus de lui, flottant dans les airs, bien verticale, une longue épée effilée, dardée en direction de sa tête. Dès lors, il regarda de plus près les autres êtres humains et vit que chacun d'eux portait son épée, de même.
Plus ou moins longue, fine, épaisse, neuve, rouillée, celle-ci un peu courbe, celle-là franchement tordue. Mais chacun la sienne. Ça ne le réconforta qu'à moitié riais avec cette moitié-là, il put continuer de vivre.