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gus bofa
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La symphonie de la peur est une oeuvre sombre, rythmée comme une composition musicale. Elle est organisée en quatre mouvements : allegro, andante, scherzo, largo qui illustrent chacun l'évolution de la peur dans l'histoire de l'humanité. Gus Bofa cadence son récit en alternant entre textes sarcastiques et dessins au crayon pour créer une ambiance unique de plus en plus angoissante. Malgrè une atmosphère pesante, Bofa réussit l'exploit de glisser quelques touches d'humour noir et amer, qui parviennent à faire sourire le lecteur.
Rescapé de la guerre des tranchées qui l'a laissé infirme et à l'aube de la seconde guerre mondiale, Gus Bofa use du sentiment universel de la peur pour créer une oeuvre sans concession et d'une grande modernité. Publiée en 1937, La symphonie de la peur témoigne d'une humanité prise entre deux terreurs, l'éternité et le néant, et qui tente de trouver refuge dans la religion, la morale et la science.
Les hommes repliés derrière la masse sociale et les lois du groupe, se retrouvent malgré tout rattrapés par la frayeur engendrée par les crises économiques, guerres ou émeutes. À contre-courant de son époque - où l'on vit frénétiquement pour laisser les spectres de la guerre derrière soi - Gus Bofa décrit l'image d'un monde sans lumière ni espérance à travers 40 illustrations toutes aussi impressionnantes que celles contenues dans Malaises. Il livre ici un chef-d'oeuvre, grandiose et implacable qui, près de 100 ans plus tard, n'a rien perdu de sa puissance. Au terme de cette symphonie, aucune consolation n'est offerte au lecteur, qui ne peut s'empêcher d'y projeter ses propres inquiétudes. -
L'oiseau rare ; Le Tourangeau de Winnipeg
Jacques Perret
- Locus Solus
- La Plume Qui Dessine
- 12 Avril 2024
- 9782368334911
Féru d'aventures réelles ou fantasmées, Gus Bofa fait la rencontre d'un auteur déterminant dans son parcours : Jacques Perret. De cette collaboration naît un livre illustré qui compte parmi les chefs-d'oeuvre de l'artiste : L'Oiseau Rare. Publié en 1952 par les éditions Arc-en-Ciel, c'est un recueil de quatre nouvelles dont seulement deux ont été illustrées par Bofa pour le tirage de tête de l'ouvrage : L'Oiseau Rare et Le Tourangeau de Winnipeg.
La première se déroule sur un vieux cargo, Le Messager de Pluton. Victorien Flan, le capitaine Caïus, le timonier Mangebrouillard et le professeur Buh trouvent, un soir de brume, dans l'un des renfoncements les plus discrets du navire, un oiseau aux qualités particulières. Dans une langue subtile, savante et créative, Perret stimule un imaginaire collectif, en associant le jargon maritime à ses traditions superstitieuses.
Pour représenter le texte de l'auteur, Bofa a élaboré une série de seize eaux-fortes originales en noir qui agrémentent parfaitement le caractère nébuleux et étouffant du récit. Les images de Bofa, charbonneuses, d'un noir profond, retranscrivent l'intensité du récit avec justesse.
Comme un épilogue discret et spontané, vient ensuite Le Tourangeau de Winnipeg, nouvelle dans laquelle un docker, probablement embarqué sur le même bâtiment, rencontre un moissonneur dans les champs de blés démesurés du sud du Canada. -
Grièvement touché aux jambes le 7 décembre 1914, lors d'une patrouille dans le secteur du Bois-le-Prêtre, Bofa refuse de se laisser amputer. Trimballé d'une ville l'autre, d'un traitement l'autre, il endure la promiscuité de l'hôpital jusqu'à sa démobilisation en novembre 1915.
Deux ans plus tard, alors qu'il commence à peine à remarcher, soutenu par des béquilles, il s'offre le luxe de dénoncer, en plein conflit et malgré la censure, le sort que le service de santé réserve aux blessés confiés à ses soins.
A la fois témoignage et pamphlet, Chez les Toubibs paraît en décembre 191Z Qualifié par Roland Dorgelès de béquille lancée dans les jambes des majors, cet album raconte le quotidien des hôpitaux militaires, univers absurde où l'on rafistole le bétail humain pour le renvoyer à l'abattoir.
Dépassé par l'ampleur de la catastrophe, le personnel de santé vaque benoîtement à sa besogne. Cynisme ou indifférence, les toubibs refusent d'avouer leur faillite. loin du cliché des infirmières sémillantes et des chirurgiens dévoués, Bofa décrit un système qui transforme les blessés en cobayes livrés à l'arbitraire des majors.
Les insuffisances et les errements du service de santé resterant longtemps un sujet tabou. Il était plus que temps de rééditer un livre cruel, qui pourrait avoir en exergue la phrase de Louis-Ferdinand Céline: «Je n'ai pas toujours pratiqué la médecine, cette merde. »
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Quand donc Gus Bofa cessera-t-il d'être le trésor jalousement gardé de quelques initiés ? Inventeur de génie, il fut l'un des premiers à prouver que le minimalisme, avant de devenir une affaire de style, était une façon précise et extraordinairement construite de dire magnifiquement les choses les plus complexes du coeur humain. Il est décisif de redécouvrir au plus vite ce chaînon manquant du dessin moderne et de lire enfin ses livres, dont l'acidité et la puissance continuent d'avoir aujourd'hui comme hier des résonances troublantes sur nos petites cervelles de primates évolués...
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U-713 ou les gentilshommes d'infortune
Pierre Mac orlan, Gus Bofa, Gustave Blanchot
- Cornélius
- Victor
- 4 Juin 2010
- 9782915492989
En 1917, Mac Orlan imagine qu'un sous-marin, le U-713, chef d'oeuvre de technologie militaire allemande, devient fou et échappe au contrôle de son commandant, le Capitaine Karl. Lointain ancêtre de l'ordinateur de 2001 L'Odyssée de l'espace, cet « hyper-poisson créé par la science allemande et dont l'existence sera niée par les générations futures, les extraordinaires et merveilleuses générations futures », tue son équipage et disparaît dans les profondeurs du golfe du Mexique pour s'y reproduire. La guerre est devenue un affrontement d'usines et n'admet, selon Mac Orlan, que trois types de combattants : ceux qui fabriquent les obus, ceux qui les envoient et ceux qui les reçoivent. Le progrès, tant vanté au début du siècle, aboutit à ce désastre que l'humanité crée les machines qui la détruise. Ramenés au rang de simple matière première, comme l'acier ou le charbon, les hommes alimentent l'absurde machine guerrière avec leur sang. La science se révèle homicide. Roman fantastique, ironique et inquiétant, U-713, ou les gentilshommes d'infortune affirme la mort de l'Aventure. Le dessin de Bofa n'a plus l'insouciance de l'avant-guerre. Il se fait plus mélancolique et plus complexe. U-713 marque le glissement de l'imaginaire de l'artiste vers le fantastique et l'inquiétude. Quand il ne dessine pas des corps difformes ou mutilés, Bofa montre des équipages de squelettes ou des noyés tenant commerce au fond de l'océan.
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Synthèses Littéraires est sans doute le livre de Gus Bofa avec lequel ses admirateurs entretiennent le lien le plus intime. On retrouve dans ces vignettes toute la maestria de ce styliste génial, et ce sens de la formule graphique qui fit de lui l'un des pères du dessin moderne. Donnant ici sa vision de quelques-uns des plus célèbres acteurs de la littérature, Bofa invente un équivalent dessiné de l'aphorisme, adaptant son dessin à chaque idée et utilisant chaque détail comme un commentaire ou un indice.
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Pamphlet intemporel sur la lâcheté humaine et la bêtise des chefs de meutes, Slogans pose la question essentielle de savoir si l'Homme ne descend pas du mouton plutôt que du singe. Cette édition, réalisée à partir des originaux, offre une reproduction très supérieure au livre publié dans la hâte en 1940, et l'enrichit d'un nombre considérable d'inédits, d'esquisses, de dessins censurés et de recHerches pour une suite qui ne vit jamais le jour. Une somme pour les amateurs, la meilleure introduction à Bofa pour les néophytes, et un constat glaçant pour chacun d'entre nous.
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Le Cirque de Gus Bofa, réalisé en gravure sur bois, est édité en 1923. Tiré à 448 ex., Le Cirque vise la clientèle des bibliophiles qui ne jurent que par les procédés « nobles » tels le bois et le cuivre et voit apparaître le fameux vert Bofa qui signera par la suite les livres dont il est à la fois auteur et illustrateur, de Malaises jusqu'à La Croisière Incertaine. Bofa y partage l'humanité entre les filous qui agissent et les dupes qui subissent. Le « comique macabre » qui imprègne les planches du Cirque doit beaucoup à Alfred Jarry, inventeur de la pataphysique, à qui il emprunte aussi la graphie et le dépouillement scénique. Un panneau suffit à planter le décor : un train miniature représente tout un chemin de fer, un huissier suggère les palais de la République. Le Cirque dresse le bilan clinique de « cinq années de paix victorieuse », les profiteurs de guerre profitent, les mutilés mendient et le gouvernement bat l'estrade : rationnement, incurie de l'État, crise du logement, corruption de la classe politique et de la presse, rien n'a vraiment changé avec la fin de la guerre.
Ce constat désabusé englobe largement le genre humain. Stupides, crédules, cupides, les clowns du Cirque se bousculent vers des désastres annoncés avec un entrain maniaque. Le crayon de Bofa donne vie à des moignons d'humanité et provoque un certain malaise. Le ton peut sembler amer, cruel, voire misanthrope, mais Gus Bofa se contente de renvoyer au public son propre reflet.
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Publié en 1921, mais conçu avant même que s'achève le conflit de 1914, Le Livre de la guerre de Cent Ans s'amuse à transposer au beau milieu du XIVe siècle les grands malheurs et les petites misères de la "Der des Ders".
Le travestissement médiéval, en dépouillant la guerre de ses artifices modernes, révèle par l'absurde le véritable visage d'une humanité qui découvre, apeurée et misérable, l'absurdité de sa destinée. Sous le crayon de Gus Bofa, le conflit prend des allures de théâtre amateur et les personnages, déguisés en guerriers et poussés sur scène pour tuer ou être tués, cabotinent et pérorent, pleins de bonne volonté mais incapables de comprendre le drame terrifiant qu'on leur fait jouer.
Le flot imbécile de l'Histoire emporte les hommes, qui se débattent entre le ridicule et l'horreur. Tandis que les badernes ronchonnent, que les toubibs coupent, que les profiteurs profitent et que les femmes se pâment, les Pauvres Cons du Front font le dos rond : " Il faut bien que tout le monde vive ". Gus Bofa, qui fut l'un de ces hommes d'armes improvisés, les décrit tels qu'il les a vus, plus proches des clowns de Beckett que des héros de la Chanson de Roland, " las, silencieux et mornes, sans désirs vains, sans espoirs et résignés au pire ".
Son pamphlet, à l'humour cruel, ne dénonce pas une guerre particulière, mais toutes les guerres, passées, présentes et à venir, lorsque les circonstances rendent la bêtise humaine tragique. Jamais réédité, Le Livre de la guerre de Cent Ans est proposé ici dans une version restaurée qui corrige certains défauts de l'original et complétée d'inédits récemment découverts.
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Dessinateur inclassable, Gus Bofa nous offre avec La Croisière Incertaine l'un des tous derniers ouvrages publiés de son vivant. Estimant, sans doute à juste titre, qu'il y a trop de texte dans les livres de contes, Bofa élague, nettoie, dépouille le sien « à l'absurde ». Les précisions pittoresques, la puissance d'envoûtement, le côté insolite et troublant des histoires reposent sur le dessin, lui-même servant de support aux rêves d'un lecteur doué d'imagination et de sensibilité. À la suite de Gus Bofa, embarquons pour cette « Croisière », les
rivages inconnus, les « pays imaginaires, toute la toile dehors, sans avoir pris souci de lever l'ancre. » Nous n'atteindrons peut-être jamais les eaux calmes, mais nous aurons passé un merveilleux moment ailleurs, à feuilleter un livre extraordinaire où « les yeux bleus, les yeux verts, les yeux noirs voient le monde de couleurs différentes. »
Gus Bofa, de son vrai nom Gustave Blanchot, est né à Brive-la-Gaillarde (France) en 1883. Il débute sa carrière à l'âge de quinze ans avec la publication d'un de ses dessins dans le magazine Sourire. Il part alors
étudier les Beaux-Arts à Paris. De 1905 à 1914, Gus Bofa est le co-directeur de l'Office d'Art et de Publicité, essentiellement chargé de réaliser des affiches pour les revues Le Rire et Sourire. En 1914, la Première Guerre mondiale éclate : appelé sous les drapeaux et envoyé au front, il est grièvement blessé à une jambe. De retour à Paris, il travaille pour La Baïonnette, journal dans lequel il publie de nombreux dessins et bandes dessinées.
Après la guerre, Gus Bofa illustre aussi de grands classiques de la littérature française. Ses talents de critique littéraire lui valent d'ailleurs, de 1922 à 1939, de tenir une rubrique régulière dans Le Crapouillot. Après la Seconde Guerre mondiale, la productivité de Bofa ralentit sensiblement. Il meurt en 1968, à l'âge de 85 ans.