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Francis lacassin, qui eut la chance de fréquenter l'homme au béret écossais en ses dernières années, a rassemblé dans le présent ouvrage les chroniques - jamais encore réunies en volume à ce jour - que mac orlan consacra à ce qui était pour lui le thème d'entre les thèmes : les villes du vieux monde, lesquelles - faut-il s'en étonner ? - se trouvent être presque toutes des ports.
Partir ? rester ? vaste dilemme que mac orlan résout à sa façon : en arpentant interminablement le quai des brumes. , jusqu'à ne plus savoir vers quoi il convient de fuir, de quoi au juste il retourne. car l'essentiel n'est pas de s'en aller, ou de revenir, mais de se tenir prêt à tous les embarquements, et d'abord à ceux du songe. morand se voulait " en voyage ", mac orlan se rêve " en partance ". laissons au lecteur le soin de démêler laquelle de ces deux attitudes ouvre le mieux la fenêtre à la poésie.
Les chroniques ici mises en bouquet font la part belle aux destinations brouillardeuses, ou à tout le moins crachineuses : hambourg, berlin et londres, dunkerque, rouen et brest. c'est sous ces ciels-là, cachottiers en diable, qu'on imagine le mieux ce qu'il en est du vaste monde ; sous ces ciels-là aussi qu'on est le plus vite conduit au bar du coin, ce sanctuaire des hautes rencontres humaines. ce qui n'empêche pas de pousser le cas échéant un peu plus au sud, et même beaucoup plus, vers barcelone et carthage, et jusqu'à foum tataouine s'il le faut.
Mine de rien, d'une rade à l'autre, d'un rade à l'autre, le flâneur de quais en vient à débusquer, parfois même à saisir entre deux doigts délicats, le papillon de la plus volage réalité : celle qui nous renvoie à l'immémoriale litanie des pourquoi sans réponse, des émerveillements sans raison.
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Méfions-nous des poètes.
En tout cas de ceux qui se plaisent à hanter les heures crépusculaires - et à qui l'habitude a donné des yeux de chat accoutumés à voir clair parmi la noirceur des choses. Mac Orlan a beaucoup déambulé entre chien et loup, à travers toute l'Europe, à une époque surtout (l'entre-deux-guerres) où bien des choses se tramaient dans l'ombre. Et il a vu. Que ces textes où il alerte le troupeau des aveugles, où il parvient à capter dans l'air du temps les images de la catastrophe promise à tous - et désirée par presque tous, peut-être -, que ces textes, disséminés dans différentes revues, n'aient jamais été rassemblés en volume est en soi un mystère.
Un de plus. Mac Orlan privilégie ici ses lieux de toujours, où l'homme cohabite au naturel avec ce " fantastique social " qui fut le climat privilégié du Quai des brumes et de quelques livres mémorables : la rue, les quartiers " réservés " et leur faune interlope, les gares, les quais... Une invite à goûter la saveur authentique d'un monde qui précéda de peu le nôtre... c'est-à-dire à en savourer, selon le goût de l'auteur, la troublante amertume.