Minuit
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Ils sont morts à quelques semaines d'intervalle : d'abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel.
Mais cette série funèbre semble n'avoir fait qu'un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. c'est à la périphérie et à partir d'infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l'horizon de l'histoire majuscule avec sa grande guerre, berceau de tous les mystères.
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Du père, on ne savait que peu de choses, sinon que sa mort, à quarante et un ans, un lendemain de noël, avait entraîné, par une sorte de " toi des séries ", celles de la petite tante marie et du grand-père maternel.
Quel était donc cet homme qui avait ce pouvoir de faire le vide derrière lui ? un homme illustre ? comme il en existe des millions. de ceux qui se tuent à la tâche pour assurer un semblant de bien-être à leur famille et qui, rattrapés par un quotidien dévorant, ont enterré prématurément les aspirations de leur jeunesse. tout comme ce " grand jeune homme ", orphelin, aux talents multiples, aimant le théâtre et la compagnie, qui n'eut que le tort d'avoir vingt ans au moment où l'europe rejouait un " remake ", plus sanglant encore, du premier conflit mondial.
Des hommes illustres constitue le deuxième volet d'une suite romanesque qui commence par les champs d'honneur (sur la figure du grand-père), se poursuit par le monde à peu près (sur le deuil du père), pour vos cadeaux (portrait de la mère), et qui se clôt avec sur la scène comme au ciel (la cérémonie des adieux), l'ensemble composant une sorte de livre des origines.
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Après le vertigineux succès des champs d'honneur, la source ne s'est pas tarie : le monde à peu près nous inonde de bonheur.
Jean rouaud peint en virtuose les faux départs, les contretemps, les dérapages de son myope gaffeur.
Il y a un style rouaud qui nous entraîne d'emblée dans l'univers qui lui est propre.
Un libre plein, qui s'impose à vous dès la première ligne et ne cesse plus ensuite de vous tenir sous le charme.
Le roman magnifie l'ordinaire tristesse des vies moyennes à force de précisions dans la désolation et l'humour.
Est-ce l'intrication de la verve comique et du drame ? le monde à peu près ne ressemble à aucun autre roman. qui a osé écrire que le roman français était mort ?.
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Elle ne lira pas ces lignes, notre miraculée des bombardements de nantes, la jeune veuve d'un lendemain de noël, qui traversait trois livres sur ses petits talons, ne laissant dans son sillage qu'un parfum de dame en noir.
Même si sa vie ne se réduisait pas à cette silhouette chagrine, comprenez, il m'était impossible d'écrire sous son regard. cet air pincé par lequel se manifestait son mécontentement, j'avais dû l'affronter pour avoir ravivé, en dépit d'une prudence de sioux, une rivalité amoureuse vieille de cinquante ans à propos d'un homme mort depuis trente. a présent qu'elle régnait dans son magasin et qu'éclatait son grand rire moqueur, je n'allais pas lui gâcher son triomphe tardif.
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Une supposition, que, par-delà la mort, elle donne son avis sur ce livre qui lui a été consacré et en profite pour rétablir certaines vérités qui, selon elle, seraient bonnes à dire.
Ce dont on est sûr, c'est qu'elle commencerait par dire ceci : mais qu'est-ce qu'il raconte ? avant d'assener le coup de grâce : et puis, qu'est-ce qu'il en sait ? il étant le narrateur desdits romans sur sa famille, et par la même occasion son fils. j. r.
Sur la scène comme au ciel clôt une suite romanesque qui commence par les champs d'honneur (sur la figure du grand-père), se poursuit par des hommes illustres (sur la figure du père), le monde à peu près (sur le deuil du père), pour vos cadeaux (sur la figure de la mère), l'ensemble composant une sorte de livre des origines.
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