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Revue Europe
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Dans son théâtre, ses poèmes, ses réflexions, Brecht, comme le soulignait Walter Benjamin, a voulu conduire les hommes " à s'étonner des conditions dans lesquelles ils fonctionnent " et il a vérifié le précepte de Kafka selon lequel une authentique parole d'écrivain doit être " un piolet pour briser la mer gelée qui est en nous ".
L'agilité dialectique, l'irrespect sans restriction et les pouvoirs de l'humour n'étaient pas les moindres de ses forces. Le jeu brechtien n'est nullement une façon de réduire les abîmes humains - ou les contradictions mais une façon de les ouvrir sans réserve. Le but n'est pas leur clarification et leur élimination, mais leur agrandissement jusqu'à l'insupportable, pour mettre en question la manière qu'on a de les supporter.
Force est de constater que, même sous les feux croisés de la polémique, l'oeuvre de Brecht demeure, vive et féconde, et qu'elle ne cesse d'appeler des lectures nouvelles, décapantes, incisives.
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Camus appartenait à l'espèce des insoumis.
Il ressentit les événements de son temps de manière aiguë et dramatique. Mais simultanément, il garda les yeux ouverts sur des spectacles lumineux. Jamais il n'aurait envisagé d'effacer la beauté du monde. Près de quarante ans après sa mort, il reste étonnamment présent dans la littérature et la réflexion contemporaines. Ses jeunes lecteurs actuels, comme leurs prédécesseurs, sont sensibles à son humanisme sans mensonge ni illusion, à sa conscience exigeante, à son refus des dogmes.
Ils lui sont reconnaissants de préserver envers et contre tout, le goût du bonheur de plaider, malgré tout, pour une certaine innocence de l'homme, pour un monde solidaire. On peut cependant se demander si, dans la quasi unanimité que rencontrent l'homme et l'oeuvre actuellement, il n'y a pas un risque de récupération intellectuelle et morale : celui de transformer Camus en écrivain ou en penseur " politiquement correct " - ce qu'il ne fut jamais.
Maurice Blanchot le remarquait déjà : " Parce qu'il s'exprime avec netteté, on veut enfermer Camus dans l'affirmation visible où il parvient. Parce qu'il est sans équivoque, on lui attribue une vérité sans ambiguïté. Parce qu'il dit extrêmement ce qu'il dit, on l'arrête, on l'immobilise en cette extrémité, mais s'il parle en faveur de la claire limite, on le réduit à cette parole limitée et sans ombre.
" Relire Camus autrement est une tâche nécessaire. Ce numéro d'Europe nous y invite.
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" Pour quiconque en fait l'expérience, l'abord de la poésie de Paul Celan, même en traduction et sous forme parcellaire et fragmentaire, est bouleversant.
Celan représente la réalisation de ce qui ne semblait pas possible : non seulement écrire de la poésie après Auschwitz mais écrire "dans " ces cendres, parvenir à une autre poésie en fléchissant cet anéantissement absolu, et tout en se maintenant en quelque sorte dans l'anéantissement. Celan traverse ces espaces ensevelis avec une force, une douceur et une âpreté que l'on n'hésiterait pas à qualifier d'incomparables.
Mais dans sa progression à travers les obstacles de l'impossible, il engendre une éblouissante moisson de découvertes qui ont compté de façon décisive pour la poésie de la deuxième moitié du XXe siècle et pas seulement en Europe, alors même qu'elles sont exclusives, impénétrables, sidéralement inabordables et non susceptibles d'imitation. " Andrea Zanzotto.
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