L'humour, la malice et la satire sont au coeur de ces poèmes populaires érotiques composés à la fin du dix-huitième siècle et au début du dix-neuvième siècle au Japon, pour fixer dans l'instant, à la façon d'un Boccace ou d'un La Fontaine, un travers, un mouvement d'humeur ou un jeu de mots.
La source principale d'observation est la vie sexuelle de tous les jours, celle des moines, de la vie conjugale, des courtisanes, des veuves ou des domestiques, sans oublier les espiègles pratiques des dames du palais ou de l'alcôve familiale, hommes et femmes se donnent en spectacle pour le divertissement de nos poètes indiscrets et notre plus grand plaisir.
Dans la pure tradition des érotiques chinois, ces quarante et un récits mettent en scène des moines et des nonnes lubriques, selon le ressort littéraire universel cher à notre boccace comme aux confucéens.
Compilés sous les ming, issus de chroniques historiques et d'affaires judiciaires, ils mêlent le ton de la bouffonnerie graveleuse à ce-lui de l'idylle émouvante : on y voit des moines débauchant des jeunes filles innocentes et, mus par la paillardise ou la passion amoureuse, prêts à tout pour obtenir les faveurs d'une dame ; d'autres histoires distillent les manigances féminines. ces récits eux-mêmes reposent sur une feinte : sous couvert d'une morale toujours sauve, ils décrivent les ruses du désir et la puissance avec laquelle il cherche à s'assouvir.
Un original, séduit par le charme d'une ancienne maison de rendez-vous, l'achète et y fait quelques travaux.
Il découvre, en grattant le papier d'origine des cloisons coulissantes, l'existence d'un texte écrit serré. piqué par la curiosité, il se met à le déchiffrer et nous offre le récit d'une nuit passée avec une geisha. un japonais, revenu d'europe, se souvient d'une aventure amoureuse qui lui est arrivée à berlin. il confie, à la première personne, dans un journal, les aventures de ces quelques jours et des deux nuits d'amour passées avec une jeune fille allemande.
Si le secret de la petite chambre est écrit en une langue extrêmement raffinée et composé avec une grande habileté, sa haute tenue s'accompagnant d'un style délibérément archaïque, dans la fille au chapeau rouge, c'est l'observation qui prend le pas sur le style : fioriture et outrance sont écartées au profit d'une description qui se veut sans fard. ecrits au début des années vingt, interdits par la censure et publiés sous le manteau, ces récits érotiques attribués à deux écrivains majeurs de la littérature japonaise contemporaine, kafû et akutagawa, n'ont, singulièrement, pas encore paru au grand jour et sous une forme pleine et entière au japon.
Comédie faussement naturaliste et féerie érotisante, Le Pavillon des Jades pourrait dater du début des Qing (1644-1911).
Son auteur, toujours inconnu, y réussit le tour de force de convoquer toute une palette de situations cocasses et de personnages hauts en couleur : un homme se fait rectifier le sexe pour satisfaire les attentes de son épouse, un cocufieur perd la vie à cause de son goût pour la bagatelle, une renarde aimante échappe à la mort pour revenir se venger de son amant ingrat, un vieux marchand s'épuise à combler sa jeune épouse à la sensualité trop prononcée, sans compter un lot de servantes zélées et un maître ès choses du sexe particulièrement performant.
Plaisamment dérangeant, ce roman, où les lettrés perdent de leur superbe, orchestre un renversement des valeurs qui méritait à lui seul qu'il soit rendu à la vie.
Deux courts romans libres, d'époque Ming, inédits en Occident, anonymes, circulant sous le manteau depuis quatre siècles. L'un, réputé, la chambre à coucher de l'impératrice Wu Zetian, un(e) Néron-Messaline chinois(e). L'autre, peu connu, une éducation sentimentale, fraîcheur acide de l'enfance, passion dévorante et fatale de la femme. Sans doute le premier soliloque au féminin de la littérature chinoise, dans la lignée de ces confessions de filles qui, de Sapho à Fanny Hill, ne se départissent ni d'humour, ni de politesse.
La popularité de ce roman érotique écrit à la fin de la dynastie Ming ne s'est jamais démentie.
L'action se déroule dans un passé lointain, la "période des Printemps et des Automnes" (722-481 av. J. C.). L'Histoire sert de cadre à une intrigue qui, en dépit de son caractère résolument pornographique, est soigneusement agencée et se fonde sur les enseignements des vieux manuels du sexe taoïstes.
Belle de Candeur, pratiquant dans ses joutes amoureuses la "méthode de la Fille de Candeur pour recueillir les fruits de la bataille", obtiendra enfin - à force de rapports fréquents et prolongés avec des partenaires multiples et toujours renouvelés - l'immortalité.
A l'ombre des pêchers en fleur, écrit dans les années 1650, conte l'histoire d'un jeune étudiant volant de succès en succès, aux examens mandarinaux comme auprès de ses conquêtes féminines. Le plus grand attrait de ce roman frais et enlevé, outre la peinture satirique des embûches - envie, cupidité et malfaisance - guettant tout candidat à la carrière mandarinale, est qu'il se fait le chantre de ces femmes aux âmes passionnées, sensuelles, qui ne trichent pas et aiment à en mourir. Veuves, nonnes, épouses délaissées, servantes futées, jeunes filles recluses... notre galant les séduit toutes, mais il n'en abandonne aucune, s'arrange pour les satisfaire et les emmènera avec lui au paradis des immortels. Ce roman qui bafoue morale et convenances ne connaît qu'une loi, celle de la fiction, où talent et beauté conduisent au bonheur.
On ne saurait décrire ce recueil mieux que ne le faisait Rainier Lanselle?: «?Le contenu est à la hauteur des promesses du titre. L'auteur braque les projecteurs sur le lit aux mille ébats?: les formules les plus complexes de la sexualité de groupe sont passées en revue, l'échangisme est le bienvenu. Les mises en scène débordent d'imagination et de drôlerie, et la brièveté des histoires permet une rapide succession de situations avec le meilleur effet comique.?» Ce livre maudit - jamais réédité depuis trois siècles et demi - frappe en effet par une modernité inattendue, non seulement par son vivant maniement de la langue, mais aussi par sa défense et illustration de l'assouvissement du désir dans une société qui méconnaît si souvent les besoins légitimes de la femme en ce domaine.
Ce petit roman pornographique datant vraisemblablement du milieu du XVIIe siècle vaut surtout pour l'originalité et la vitalité avec lesquelles son auteur conjugue surnaturel et érotisme. Toutes les postures y sont exposées avec force détails et sans aucune fausse pudeur, et le recours à un diablotin de moine ayant la capacité de changer de taille - ce qui lui permet de se faufiler vraiment partout - en autorise même d'inédites. Elles s'organisent autour d'une trame romanesque décrivant la désagrégation d'une famille mandarinale confrontée à quatre irrésistibles succubes à la beauté ensorcelante et à un moine à géométrie variable, métaphore à peine voilée du sexe masculin.
La BNF possède une excellente copie d'un célèbre rouleau à peintures japonais du milieu du XVe siècle. On y raconte une histoire comique, proche pour le ton de nos fabliaux : un pauvre vieillard reçoit d'un dieu le don d'émettre des pets mélodieux, ce qui fait sa fortune ; son voisin Fukutomi veut l'imiter, mais le vieillard le trompe en lui faisant avaler un purgatif, si bien qu'il échoue piteusement.
Cette histoire pour le moins burlesque révèle un aspect trop méconnu de la culture japonaise : la veine scatologique, l'esprit de satire, l'insolence. Mais l'intérêt de ce livre original tient surtout au fait qu'il s'agit d'une véritable bande dessinée, le texte étant presque exclusivement constitué par les paroles des personnages - paysans, domestiques, badauds. - insérées dans l'image.
Ce livre appartient à la catégorie des ouvrages que l'on désigne sous le nom de manuels de l'oreiller ou, encore, d'images de printemps. Ces petits volumes veulent introduire le lecteur aux arcanes de l'amour physique en enseignant par le texte et l'image. L'Aube au printemps prend comme référence les Notes de chevet de Sei Shônagon, une dame de cour du xie siècle, en s'appliquant à les détourner. Sei tentait, à travers des énumérations, de faire jaillir la poésie du monde : " Choses qui réjouissent le coeur ", " Choses qui doivent être courtes ", etc. L'auteur anonyme de L'Aube au printemps applique ce modèle de jeu des corps dans l'amour : " Choses dont c'est plaisir qu'elles soient de bonne taille ", " Choses passées dont on se dit : c'était si bon ! ". Son dessein est manifestement de mettre en dérision l'oeuvre qu'il parodie. Mais, à le lire, on découvrira que le schéma imposé par Sei Shônagon fonctionne aussi, et très bien, pour les effrois du coeur quand la passion s'empare des corps.
Ce roman, quelque peu scandaleux, a été édité à la fin de la dynastie ming (vers 1630).
Sa diffusion fut sans doute très limitée, car peu de gens connaissent son existence. c'est pour l'historique et la description détaillée des bordels de dernière catégorie, pour les informations sur les personnes qui les tenaient, sur ceux qui les fréquentaient, sur les coutumes qui y prévalaient, sur les conditions de travail, sur les méthodes utilisées pour recruter le personnel, que ce livre constitue un document accablant par sa précision.
C'est un roman aussi révélateur des bas-fonds de pékin au xviie siècle que peut l'être l'assommoir sur ceux de paris au xixe siècle. il est aussi le seul autre ouvrage attribué de façon certaine à l'auteur du jing ping mei.
C'est sous la dynastie han, au début de notre ère, que feiyan et hede viennent au monde sous la forme de belles jeunes filles.
Plus tard, après bien des aventures, elles entrent comme concubines favorites de l'empereur cheng et lui font faire de telles orgies aux jeux des " nuages et de la pluie " qu'il en tombe malade et meurt d'une trop forte dose d'aphrodisiaque. c'est aussi un véritable roman historique qu'il est donné de lire ici, un des épisodes les plus célèbres de l'histoire de la chine ancienne : l'arrière-plan historique, les intrigues de palais sont prétextes à un récit oú se mêlent croyances bouddhistes et superstitions taoïstes, transformations magiques et recherches de l'immortalité autour d'incessantes aventures amoureuses entre l'impératrice, l'empereur et leurs favoris.
Une nuit, dans un harem maure, ?choue un capitaine anglais?: le beau Lord Herbert est recueilli par les neuf femmes du pacha, toutes plus fascinantes les unes que les autres. Pour les remercier, il leur fait une promesse?: avant l'aube, il honorera chacune d'entre d'elles. Elles acceptent de lui conter l'?pisode le plus voluptueux de leur vie. Ainsi s'encha?nent les histoires de ces femmes venues des quatre coins de la M?diterran?e. Ce roman anglais de la fi n de l'?re victorienne exhale un ?rotisme riche et ra? n?. Lord Herbert p?n?tre dans un paradis o? les femmes sont belles, ?panouies, pr?tes ? se livrer avec gr?ce ? tous les jeux possibles et ? ob?ir ? la loi du d?sir. Aux antipodes de la morale restrictive de l'?poque, ce livre est un petit bijou de fantaisie et d'imagination.
Si ce livre procure toutes les recettes aphrodisiaques du monde, s'il dévoile les corps et les décline en d'innombrables postures, c'est parce que le Cheikh Nefzaoui veut livrer le secret de l'univers¦: le jardin parfumé , c'est le paradis et le paradis, c'est le corps des femmes. Cette première traduction française avait ravi Guy de Maupassant, qui la fi t publier. Nous avons redonné l'intégralité des treize lithographies et les quarante-trois fi gures au trait qui l'accompagnaient ainsi que les dix gravures fort libres de l'édition de Liseux, ensemble qui n'avait jamais été repris jusqu'à présent.
Les Histoires qui sont maintenant du passé, achevées au Japon vers l'an 1120, rassemblent exactement mille cinquante-neuf contes qui, comme tous les contes, étaient d'abord destinés non pas à être lus mais racontés de village en village par des moines ou des laïcs. De cette formidable somme, Dominique Lavigne-Kurihara a extrait une quarantaine de récits où se manifestent toutes les créatures surnaturelles possibles et imaginables par les Japonais de ce XIIe siècle : fantômes, ogres, démons, renardes, esprits, tengu ces monstres mi-hommes mi-oiseaux à la force prodigieuse et bien d'autres encore. Édifiantes, ces histoires montrent le pouvoir de la vertu et de la religion sur les forces du mal, mais leur premier mobile est d'étonner et d'émerveiller et elles y réussissent toujours !