Le présent recueil est la traduction intégrale d'un manuscrit précieux daté de 1335 et conservé dans le fonds de la bibliothèque du Musée Guimet. Il contient quelque deux cents waka, poèmes de trente-et-une syllabes, le genre le plus prestigieux de la tradition japonaise.
Ces poèmes, composés entre le VIIe et le XIIIe siècle, sont dus à quatre-vingt auteurs différents, hommes et femmes. Ils parlent d'amour, des saisons, de voyages, mais aussi de la fragilité de toute existence.
Choisis par deux poètes majeurs, Fujiwara no Kintô (966-1041) et Fujiwara no Teika (1162-1241), les waka ici traduits (souvent pour la première fois) sont considérés par les Japonais comme des chefs-d'oeuvre. Leur beauté, souvent fulgurante, a traversé les siècles et l'espace.
Outre la traduction, le lecteur trouvera dans le présent ouvrage, informations et clefs nécessaires pour comprendre et apprécier pleinement ces joyaux de la poésie japonaise classique.
« Alors ce drôle n'eut d'autre ressource que d'invoquer humblement les bouddhas et les divinités en leur demandant de faire revenir à lui la dame de son coeur. Mais, comme son désir ne faisait que s'accroître tandis que l'effet se reculait avec une froideur qui passait toute mesure, il enveloppa en cadeau des cartes de récréation ainsi que des cure-dents, et se rendit chez elle pour lui en faire présent avec la promesse qu'il ne ferait plus appel à ses services. Las ! Plus l'entretien se prolongeait, plus son amour grandissait... » Au XVIIe siècle, un auteur japonais s'est amusé à récrire sur un mode cocasse un grand classique du Xe siècle, composé de 125 petits récits entrecoupés de poèmes.
Ces Contes de Risée constituent un véritable documentaire sur le début de l'époque d'Edo (1603-1867). Mais la traduction est aussi un tour de force, puisqu'elle est elle-même parodie d'une nouvelle version française des Contes d'Ise.
« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ». En une seule phrase, prononcée dit-on par Arnaud-Amaury, abbé de Cîteaux, peu avant le massacre de Béziers, il semble que soit résumée toute l'histoire de la Croisade contre les Albigeois. Elle a duré cependant près d'un demi-siècle, jusqu'au tragique bûcher de Montségur où les deux cents derniers Cathares furent brûlés vifs, retenus derrière une palissade et sous bonne garde.
Qui étaient ces centaines de milliers de personnes, qui avaient osé défier le Pape, son clergé, et l'une des armées les plus puissantes de l'époque, composée de combattants de toutes les nationalités ? C'est ce que nous raconte, en quelques dix mille vers et en occitan, cette Chanson de la Croisade albigeoise, écrite et déclamée dans les cours ou devant le menu peuple du Languedoc, par deux clercs - des poètes - dont l'un au moins, plutôt favorable aux hérétiques, est demeuré parfaitement inconnu. Cela n'a pas empêché cette geste haute en couleurs et en péripéties d'entrer dans la mémoire collective, en célébrant, parfois malgré elle et malgré les innombrables victimes de cette guerre, une des plus brillantes civilisations qu'ait connu, avec ses troubadours et ses cours d'amour, le monde occidental, celle du pays d'oc.
En Chine, le théâtre chanté est apparu autour du XIIIe siècle de notre ère et a connu son plein épanouissement sous la dynastie mongole des Yuan (1279-1368). Le corpus dont nous disposons, constitué des cent-soixante-deux livrets qui nous sont parvenus, est d'une diversité et d'une richesse telles qu'on le considère depuis longtemps comme l'expression la plus haute du génie théâtral chinois. Dès le XVIIIe et XIXe siècles, les premiers traducteurs de ces pièces en avaient saisi l'importance et avaient insisté sur la nécessité de les découvrir pour mieux comprendre l'esprit de la civilisation chinoise. Destinées à un public populaire et écrites en langue vulgaire (à l'exception de les airs chantés), ces oeuvres nous renseignent en effet sur la manière dont les Chinois envisageaient certaines questions fondamentales : les sentiments, les valeurs, les croyances, les conflits individuels et collectifs ainsi que les ressources morales dont l'individu confronté aux situations les plus extrêmes devait se montrer capable.
Parmi ce vaste corpus, il nous a fallu choisir trois pièces qui nous paraissaient exemplaires et représentatives de la dramaturgie des Yuan. L'Automne au palais des Han, l'Orphelin des Zhao et Zhao Li offre sa chair sont les trois drames les plus connus du théâtre chinois qui ont été retenus pour cette édition.
Le Wenzi (qui reçut le titre de Canon authentique de la compréhension du Mystère par décret impérial sous les Tang, en 742) aurait été écrit dans la seconde moitié du VIe siècle avant notre ère par un disciple de Laozi appelé Wenzi "Maître Wen". Celui-ci a été identifié avec Xin Jiran, le maître du premier ministre de la principauté de Yue, Fan Li, qui, grâce à la science du calcul et de la prévision météorologique que celui-ci lui aurait inculquée fut à même d'assurer à son prince la prééminence sur le bassin du bas fleuve Bleu.
En réalité Wenzi n'est qu'un prête nom et l'ouvrage a été composé à une date beaucoup plus tardive, à l'orée de l'unification ou même dans les premières années de la Dynastie des Han antérieurs, pas avant la toute fin du IIIe siècle av. J.-C., en tous cas.
Il se présente comme un traité de bon gouvernement à l'usage des sages souverains. Mais, comme tous les traités de science politique de la Chine ancienne, il est aussi une réflexion sur le Tao et un manuel de culture de soi. En effet, en vertu de la théorie de la résonance, propre à cette pensée cosmologique, il existe une intime correspondance entre le ciel, le corps et la société. Aussi le Sage qui a appréhendé le Principe dans son essence, est capable d'harmoniser ses souffles et, à travers la régulation de ses organes internes et du principe vital, d'assurer l'ordre dans l'Etat.
Profondément influencé par le Livre de Voie et de la Vertu dont il se veut une sorte de commentaire, mais un commentaire qui en fournirait les applications pratiques, le Wenzi reprend les notions de vide, de non-agir, d'unicité, et fait sien le postulat de la prééminence du Non-être sur l'Etre pour leur conférer un tour nettement politique et tenter de fournir une assise métaphysique, voire ontologique à l'empire centralisé et unifié en train de se mettre en place. Non seulement le Wenzi reprend les thèmes du Laozi, mais encore il en adopte le rythm
Porté au rang des classiques chinois, La Dispute sur le sel et le fer retranscrit les répliques échangées en 81 avant J.-C. au cours d'un conseil impérial, dont le point de départ est la question du monopole du sel et du fer, décrété quarante ans plus tôt comme moyen de renflouer le Trésor épuisé par la guerre contre les Huns et quelques autres barbares. Il s'ensuivra une controverse générale sur la manière de gouverner, entre d'une part, des tenants de l'école des Lois, pour lesquels les questions de morale n'ont aucune part à tenir dans le domaine politique, et d'autre part, des érudits confucéens et des sages.
Ce texte, transmis par Huan Kuan dans la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère, constitue à la fois un témoignage de première main et sans fard sur les conditions de vie concrètes et sur les moeurs politiques de cette époque lointaine, et une mine de réflexions atemporelles sur l'art de gérer une société.
Homme divin pour certains, dieu pour ses disciples, Pythagore - celui qui a été annoncé par la Pythie est en tout cas un personnage mythique dont la fin mystérieuse se perd dans les limbes de la mémoire des quelques disciples qui lui ont survécu et de leurs successeurs.
De mathématiques, il est ici peu question, de théories des nombres, un peu, mais c'est surtout de Pythagore lui-même, de ses disciples et du mode de vie de la secte qu'il s'agit. On apprendra toutes les merveilles qu'il a accomplies, on suivra toutes les étapes de l'initiation mystérique de la secte et on trouvera les seuls fragments véritables de son enseignement (les fameux - symboles -) qui nous soient parvenus.
Aux travers de textes qui datent du IIIe siècle après J.-C. et recueillent une longue tradition bio-doxographique qui remonte probablement aux Mémoires pythagoriques eux-mêmes (les - aide-mémoire -, ces écrits secrets, rédigés en langage symbolique, que les survivants de la secte composèrent pour ne pas laisser disparaître l'enseignement du Maître, et qui finirent, avec le temps, par être divulgués), on trouvera plusieurs listes des akousmata, ainsi que des interprétations de ceux-ci. On y apprendra quelles étaient les pratiques et règles (végétarisme, respect des êtres animés, interdiction des sacrifices sanglants) auxquelles se soumettaient ces hommes à la piété rare et au savoir divin. Car, c'est le dieu pythien qui parlait par la bouche de Pythagore, dont le nom pouvait aussi provenir du fait qu'- il annonçait la vérité non moins que le Pythien -. Il faut donc s'efforcer de garder vivante la tradition que nous révèlent ces textes que leur rareté rend d'autant plus précieux aux chercheurs de sagesse et de vérité.
Plusieurs des traductions présentées ici sont inédites.
Écrit en latin au XIIe siècle et traduit ici pour la première fois en français, l'Ysengrimus est un texte sans équivalent : ancêtre du Roman de Renart, il raconte l'éternel affrontement du loup et du goupil. Mais dans cette épopée monastique, écrite pour réjouir les clercs, c'est Ysengrin, moine et évêque, qui joue encore le premier rôle.
Elisabeth Charbonnier, docteur ès lettres, agrégée de lettres classiques, est professeur en classe de lettres supérieures
Combien de textes jadis célèbres et aujourd'hui méconnus. Parmi les oeuvres qui, de l'Antiquité à la Renaissance, ont formé les esprits, beaucoup sont aujourd'hui reléguées dans les arrière-boutiques parce qu'elles ont cédé la place à des ouvrages qui les ont utilisées en les recouvrant d'oubli ou parce qu'elles ont cessé de nourrir ouvertement la réflexion des Modernes.
Devenus indisponibles, ces textes attendaient qu'on les redécouvre. Tel est le but de « La Roue à Livres ».
La collection offre l'occasion unique de lire des textes intégraux, traduits du grec, du latin ou d'autres langues anciennes, munis de notes succinctes qui ne les alourdissent pas et d'une introduction qui restitue une époque et son auteur et justifie le succès qu'ils remportèrent et qu'ils méritent encore. La collection publie des traductions originales, à partir des meilleures éditions du texte originel, ou d'anciennes traductions révisées par un spécialiste.
Sont ainsi livrés à la curiosité renouvelée des lecteurs de bonne foi des textes poétiques, historiques, juridiques, philosophiques, esthétiques, etc. En outre la série "documents" présente des recueils d'inscriptions, monnaies, témoignages archéologiques, etc... pour donner aux étudiants et au public lettré les sources indispensables qu'il fallait auparavant chercher dans divers ouvrages, livres ou articles, difficilement accessibles.
Ce récit connu sous les titres de Gesta regum Francorum (la Geste des rois des Francs) ou de Liber Historiae Francorum est, avec les Dix livres d'histoire de Grégoire de Tours et la Chronique dite de Frédégaire, une des sources principales de l'histoire des origines du peuple franc et de la royauté mérovingienne. Il est même la source première et fondamentale de l'histoire du peuple et des rois francs pendant la période allant du milieu du VIIe siècle jusqu'à la date de sa rédaction en 727, date précisément donnée dans les dernières lignes du texte. Son auteur l'a écrit dans la région du nord de la Gaule qu'on appelait alors Neustrie, moins vraisemblablement dans un monastère (l'hypothèse en a souvent été formulée) , qu'à l'ombre du palais royal. Il s'agit sans doute d'un aristocrate laïc, certes lettré mais aussi familier des campagnes militaires, qui a été en mesure de recueillir de nombreuses traditions originales, relatives aussi bien aux dessous des mariages princiers qu'aux mobiles des assassinats royaux. Contemporain de la montée en puissance des Pippinides, ancêtres des Carolingiens, il exprime le point de vue des élites neustriennes restées longtemps fidèles à « leurs » rois mérovingiens, mais qui, lassées par les trop nombreuses dissensions qui déchiraient alors le royaume et la royauté des Francs, s'apprêtaient à se rallier à la puissance montante des Pippinides, garants d'un retour à l'ordre politique et social.
Alors qu'il existait déjà des versions allemandes ou anglaises - souvent partielles - de ce texte essentiel, jamais de traduction française n'en avait été offerte au public. Les présentes édition et traduction, précédées d'une importante introduction et accompagnées d'un abondant apparat critique, viennent combler ce vide historiographique, et ne manqueront pas de contribuer au regain d'intérêt pour l'histoire des temps mérovingiens, et plus généralement pour celle de l'Europe « barbare », trop longtemps et trop complaisamment considérées comme irrémédiablement obscures.
Le Mahabhasya est le commentaire du linguiste Patanjali sur les Karika de Katyayana et l'Astadhyayi de Panini rédigé au milieu du IIe siècle av. J.-C. par un auteur dont nous connaissons seulement le nom. Plus d'un millénaire plus tard, sur la base d'un mythe, on a associé le nom Patanjali à l'auteur anonyme du Yogasutra : l'un avait purifié le domaine de la parole, l'autre celui de l'esprit. Mais il est sûr que l'auteur du Mahabhasya n'a rien à voir avec le yoga : c'est un pur linguiste.
Les trois auteurs (Panini, Katyayana et Patanjali) et les trois ouvrages constituent la base de la conscience linguistique dans le monde sanskrit, quelle que soient les préférences idéologiques et religieuses des auteurs. Ils forment le trimuni vyakaranam « La Grammaire des trois sages ».
Le Mahabhasya est un ouvrage technique ; il suppose connue l'Astadhyayi de Panini (vers le Ve siècle av. J.-C.) et les principaux problèmes d'herméneutique posée par ce texte. C'est donc un ouvrage de grammaire et d'exégèse. De plus, ce nom Mahabhasya « Grand Commentaire », donné par le linguiste Bhartrhari (Ve s. ap. J.-C.), en ne précisant pas la matière commentée, montre la place unique que l'ouvrage occupe dans la littérature commentariale : il en est le modèle. Avec Patanjali, la méthode commentariale est fixée une fois pour toutes et, malgré la naissance d'autres savoirs, le Mahabhasya est demeuré la norme en matière de commentaire quelle que soit la nature du texte commenté. Ces dernières années, l'intérêt pour le Sutra de Panini, proche dans une certaine mesure de l'esprit des programmes informatiques, a entraîné une relative désaffection envers le Mahabhasya. Les travaux de S.D. Joshi et J.A.F. Roodbergen et ceux de P.-S. Filliozat, des entreprises d'envergure, ont été interrompus si bien que le Mahabhasya n'est toujours pas traduit dans une langue européenne. Ce faisant, on s'intéressait plus aux ouvrages de Vyakarana tardif, ceux de Bhattoji Diksita (XVIIe siècle) et de Nagesa (XVIIIe siècle) notamment parce qu'en Inde les derniers érudits travaillent moins à partir de Panini et Patanjali que de Bhattoji, etc. Nous espérons renouer, avec d'autres, au renouveau des études sur le Mahabhasya, afin à terme de terminer le travail brillamment commencé par P.-S.
Filliozat. La Paspasa tient lieu d'introduction du Mahabhasya ; c'est la seule section où l'auteur parle sans commenter précisément le texte, exprime sa conception de la langue et de la grammaire. Sa moindre technicité permet au lecteur attentif de comprendre les bases de la problématique linguistique sanskrite. La Paspasa est chère aux pandits « érudits » qui souvent la connaissaient par coeur, même s'ils n'étaient pas des grammairiens professionnels. On y voit in nuce tous les problèmes posés ultérieurement par la grande tradition linguistique en Asie du Sud, le tout servi par une langue classique, remarquablement précise, et témoignant d'une insigne intelligence du texte. Et surtout le texte reste compréhensible pour les lecteurs. L'auteur, en plus de la traduction (un travail déjà bien réalisé par ses devanciers) a surtout porté son effort dans les notes pour expliquer le texte, pour en montrer l'épaisseur en terme de culture, et aussi de vie et de conscience.
Écrites au IVe siècle pour célébrer la mémoire d'anciens évêques de leur cité, dont l'un n'était connu que par son épitaphe, et l'autre par le récit authentique de son martyre, ces deux biographies les présentent avec des traits hagiographiques, mettant en relief leurs vertus, la qualité et l'orthodoxie de leur enseignement doctrinal, le succès de leur activité d'évangélisation, leurs pouvoirs de thaumaturge, mis au service de leur cité - l'un découvre des sources thermales, obtient de l'impératrice des dons destinés aux pauvres, l'autre guérit des malades, fait cesser par sa prière un grave incendie, une inondation, une sécheresse.
Ces biographies tracent ainsi le portrait idéal de l'évêque du IVe siècle, enseignant et garant de la vraie doctrine contre les déviations hérétiques, protecteur et bienfaiteur de sa cité. Elles témoignent aussi de la manière dont deux communautés chrétiennes asiates du IVe siècle, à une époque où le christianisme était devenu majoritaire, repensent leur passé païen et chrétien (ainsi dans la Vie d'Abercius), ou font remonter au IIe siècle les pratiques et les problèmes de leur époque (dans celle de Polycarpe).
Parue en 1684, en conclusion de ce dernier grand monument d'érudition de la kabbale chrétienne qu'est la Kabbala denudata, l'Esquisse de la kabbale chrétienne, dont l'attribution reste encore discutée, fait dialoguer un philosophe chrétien et un kabbaliste. Reprenant et développant les principaux thèmes mis en avant par les kabbalistes chrétiens qui l'ont précédé, ce dialogue missionnaire se veut une démonstration, à l'aide des méthodes et thèses de la kabbale juive, de la vérité du christianisme, afin, non seulement, d'y amener les juifs, mais aussi de reconduire les chrétiens divisés à l'unité profonde et originaire de leur religion. Comme le montrent la présentation et les notes, il entend démontrer, dans la ligne qui fut celle, notamment, à la Renaissance, de Pic de la Mirandole et de Reuchlin, et puisant aussi bien dans la Bible et les grands textes du judaïsme et de l'Antiquité païenne, que chez les Pères de l'Église et des penseurs médiévaux ou modernes, que le coeur du judaïsme - la kabbale - est aussi celui du christianisme. Cet ouvrage connut un grand succès et fut apprécié notamment par John Locke et Henry More.
Les livres de morale, shanshu sont encore peu étudiés et traduits en langues occidentales en dépit de leur importance fondamentale dans la pratique sociale, éthique et religieuse de la Chine moderne, depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours. On peut les définir comme des ouvrages consacrés à exhorter leurs lecteurs, par le raisonnement et l'exemple, à se conduire vertueusement. Ces exhortations se fondent sur la notion, commune à l'ensemble de la religion chinoise, de la rétribution morale des actes (bao ), notion que l'on trouve également exprimée, quoique sur des bases théologiques distinctes, dans les classiques des Trois enseignements (confucianisme, bouddhisme et taoïsme). Par religion chinoise, il faut entendre l'ensemble des croyances et pratiques faisant appel aux ressources (textes, clergés, rites, symboles) des Trois enseignements tout en étant le plus souvent largement indépendants. Les livres de morale, en accord avec les trois religions, affirment que tout acte vertueux (shan ) entraîne, immédiatement ou à terme, des conséquences favorables des bénédictions, fu , tandis que les actes vicieux (e ) entraînent des conséquences défavorables des malédictions, huo . Ils mettent en garde le lecteur contre les punitions qu'entraînent les péchés et les enjoignent à faire leur salut en détaillant de façon concrète un programme de vie pure menant à une bonne mort voire à la divinisation. Leurs thèmes principaux de réflexion sont le respect des dieux et des règles de pureté rituelle qui leur sont associées, la libre circulation des êtres et des biens ainsi que les Cinq normes sociales, très marquées par le confucianisme, qui déterminent les liens entre parents et enfants, mari et femme, frères aînés et cadets, souverain et sujet, ami et ami.Vincent Goossaert est historien, directeur d'études à l'EPHE et directeur adjoint du GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités, EPHE-CNRS). Il travaille sur l'histoire sociale de la religion chinoise moderne, et s'intéresse particulièrement au taoïsme, aux spécialistes religieux, aux politiques religieuses et à la production des normes morales. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages seul ou en collectif, dont La Question religieuse en Chine (avec D.A. Palmer, 2012).
Les Gestes des abbés de Saint-Germain d'Auxerre sont une chronique monastique rédigée en 1290 sur le modèle des Gestes des évêques de la cité, modèle établi plus de quatre cents ans plus tôt autour du récit des faits mémorables accomplis par les prélats qui se succédèrent à sa tête.
Ils prennent pour point de départ non pas les origines de l'établissement, alors qu'il n'était qu'un petit oratoire fondé hors les murs par l'évêque Germain au milieu du Ve siècle, mais le temps de la première réforme mise en oeuvre par Maïeul de Cluny et son disciple Heldric à la fin du Xe siècle. Abbé après abbé, jusqu'au début du XIVe siècle, les Gestes offrent une orchestration de la mémoire du monastère et une réécriture de son histoire à l'aune des choix mémoriaux faits par les trois rédacteurs successifs du texte.
Le Traité du sublime, dont l'attribution fait débat et la date pose question de par ses nombreuses mutilations, est un ouvrage de critique littéraire. Oeuvre polémique répondant à Cécilius, il défend Platon contre la condamnation du rhéteur.
Quelques jours après la mort d'Auguste, on fit porter dans la curie quatre rouleaux scellés qu'Auguste avait déposés, d'après Suétone, auprès des Vestales. Le premier contenait son testament privé, le deuxième donnait les ordres relatifs à ses funérailles, tandis que le troisième développait la situation dans laquelle il avait laissé l'Empire. Sur le quatrième se trouvaient les Res Gestae qui rappelaient tout ce que l'empereur avait fait pour le peuple romain. Auguste souhaitait que ses Res Gestae soient gravées sur deux stèles de bronze à proximité de son mausolée. Rien n'est moins sûr car les deux inscriptions de Rome ont disparu et seules ont été conservées des copies envoyées dans les Provinces d'Asie Mineure. Auguste y relate ses exploits quand il s'appelait encore Octave, comment à 19 ans à peine il leva une armée et eut raison de Marc-Antoine, comment il étendit la puissance romaine, et « restaura la République » en devenant empereur. Malgré le style aride et factuel imposé par l'inscription, les Res Gestae sont pour nous un document précieux, tant par les informations historiques qui y sont contenues que par le portrait que le grand homme peint de lui-même. Notre édition présente en un volume les Res Gestae divi Augusti ou Hauts Faits du divin Auguste et propose outre le texte latin et sa traduction, la version grecque figurant dans les copies d'Ankara, d'Antioche et d'Apollonia. L'introduction, véritable somme issue des recherches de John Scheid offre toutes les informations nécessaires à la bonne intelligence du texte ainsi qu'un exposé complet des diverses interprétations et discussions auxquelles il a donné lieu. Elle est en outre assortie d'un plan permettant de circuler aisément dans le récit, ainsi que d'une bibliographie. Un riche commentaire, en fin de volume, éclaire le texte. L'ouvrage est enrichi d'un Index des mots latins, d'un Index des mots grecs ainsi que d'illustrations.
Les épigrammes présentées ici ont été composées à la fin du règne des rois vandales en Afrique du Nord et rassemblées vers les années 530 dans un recueil auquel on donne le nom d'Anthologie latine. Elles sont données pour la première fois en traduction française. Certaines de ces épigrammes constituent des recueils, d'autres sont isolées ; plusieurs pièces sont anonymes, mais on peut citer parmi les poètes les noms de Symphosius, Luxorius, Felix, Coronatus ou Caton.
Ces poèmes illustrent, tant par leurs thèmes que par leurs formes, toute la variété du genre épigrammatique, genre mineur dans la classification antique, mais manifestement prisé par les lecteurs de l'époque, sans doute pour son mélange de légèreté, d'humour parfois leste, d'érudition et de préciosité. L'ensemble forme, à côté du poète Dracontius, une part importante de la production poétique africaine tardive. Ces épigrammes donnent également une idée de la vie quotidienne à Carthage sous la domination vandale, ainsi que du milieu des grammairiens ou des lettrés romains auquel les auteurs appartenaient.
Cette comédie anonyme, exhumée en 1928 d'un manuscrit de la première moitié du XVI e siècle conservé à la Biblioteca Nazionale Marciana de Venise, sous un respect formel des cinq actes canoniques de la comédie classique et dans un langage apparemment châtié conforme aux exigences de la censure, met en scène les cinq étapes d'une initiation à l'amour dont l'étape centrale (l'acte III) fait de la pièce, à la barbe des sévères censeurs vénitiens, la plus audacieuse de la Renaissance italienne.
La pièce s'ouvre sur un bref monologue du seul personnage présent du début à la fin, Giulio, jeune homme étranger à la ville épris d'une jeune Vénitienne, Valiera, dont il ignore encore qu'elle est mariée. Giulio déclare à Oria, servante de Valiera, sa flamme pour sa maîtresse. S'ensuit un dialogue malicieux entre les deux femmes où il apparaît que Valiera ellemême avait remarqué le bel étranger et serait disposée à répondre à ses avances. Est alors introduit le personnage sur les initiatives duquel va reposer l'essentiel de l'intrigue : Angela, une veuve d'âge mûr follement éprise du jeune Giulio et qui se livre sur sa servante à des simulations d'un érotisme croissant. Les tentatives des deux femmes d'attirer Giulio dans leurs filets tournent à l'avantage de la veuve, grâce à l'entrée en scène et aux propos convaincants d'un portefaix bergamasque madré, Bernardo, qui accompagne Giulio au palais d'Angela. Le jeune homme y connaîtra une longue nuit d'amour en plusieurs étapes, rythmées et commentées, dans la cuisine à l'étage supérieur, par le portefaix et la servante. La découverte par Valiera de la chaînette de sa rivale au cou de Giulio amorce, avec l'échec de l'anomalie perturbatrice dont Angela était l'incarnation, un retour à la normalité d'où s'ensuivra la fin heureuse traditionnelle, à cette différence près : le triomphe final de l'amour n'aboutira pas au mariage de deux jeunes célibataires, mais à un adultère.
Entre la redécouverte et une pratique croissante de la comédie antique dans le courant du XV e siècle, la naissance et les développements dans les premières décennies du XVI e d'une comédie italienne source reconnue du théâtre européen moderne, la Veniexiana occupe une place non négligeable : tant par la superposition au schéma canonique de l'intrigue comique d'une aventure initiatique inspirée de l'art de la nouvelle et des romans, que par les libertés prises vis-à-vis des unités de temps - quatre jours et trois nuits - et particulièrement de lieu(x). Leur multiplicité ne manqua pas de poser des problèmes inédits de mise en scène sur la résolution desquels on se perd encore en conjectures.
Après deux tomes consacrés essentiellement aux deux grands témoins de Ménandre que sont le papyrus Bodmer et le papyrus du Caire - l'un et l'autre relevant sans doute du Choix byzantin - ce tome III marque une large ouverture. Certaines des comédies de Ménandre, éditées ici dans l'ordre alphabétique des titres grecs et précédant les Sicyoniens déjà édité comme tome IV, ont certes pu faire partie du Choix byzantin : le Haï, le Thrasyléon (complétant la triade commencée par la Tondue et associant, comme cette pièce, comique et pathétique masculin - un homme momentanément abandonné par la femme qu'il aime) et le Laboureur.(appartenant à une triade dont la couleur sociale est plus marquée).
Mais, semble-t-il, à aucune des autres comédies il n'a été donné de franchir le cap fatidique du IVe siècle de notre ère. Elles ne sont cependant pas sans intérêt. Certaines d'entre elles ont retenu l'attention des poètes comiques latins dont l'oeuvre nous a été transmise : la Périnthienne (comme le montre l'Andria de Térence), l'Eunuque (adapté par le même Térence), et surtout la Double Tromperie, pour nous premier exemple concret et important, en raison de l'étendue du papyrus, d'un original grec adapté par Plaute (dans ses Bacchides). Quant aux autres comédies, leurs minces fragments ont toujours le mérite de nous faire mieux percevoir la diversité de l'art de Ménandre, en particulier dans la mise en scène, même si ce ne sont parfois que des « textes d'attente » dont on peut seulement espérer qu'ils seront un jour éclairés par de nouveaux papyrus.
Une grande attention a été portée, d'autre part, aux documents archéologiques, en l'occurrence les très nombreux panneaux de mosaïque, éventuellement de peinture, qui illustrent les scènes en rapport avec le titre des pièces. Que ce soit par l'apparition constante de nouveaux papyrus ou de nouveaux documents archéologiques, les études sur Ménandre sont en constante progression et cette édition a cherché à en faire le point exact.
Le devoir de l'orateur est de pouvoir parler sur toutes les questions de l'ordre civil qui sont réglées par les coutumes ou par les lois, en se conciliant, autant qu'il est possible, l'assentiment des auditeurs.
Il y a trois genres de causes que l'orateur doit embrasser, le démonstratif, le délibératif et le judiciaire. Le démonstratif est consacré à louer ou à blâmer une personne déterminée ; le délibératif, qui suppose une consultation, a pour but de conseiller ou de dissuader ; le judiciaire, qui repose sur une controverse, renferme l'accusation ou l'attaque, et la défense. Nous allons indiquer à présent les conditions indispensables pour être orateur.
Nous montrerons ensuite comment il faut traiter ces trois genres de causes.
Traduits pour la première fois en français et précédés d'un essai sur l'historiographie mésopotamienne, 52 documents. Échelonnés entre le XXIe siècle et le IIe siècle avant J.-C., ils retracent l'histoire de la Mésopotamie depuis ses plus lointaines origines, lorsque les dieux créaient la royauté, jusqu'à la fin de l'Empire séleucide et l'arrivée des Parthes.
Ce sont autant de fragments d'une tumultueuse histoire, celle de royaumes belliqueux et conquérants, celle aussi de la fondation et de la chute de puissants royaumes.
La principauté de Morée ou d'Achaïe (1205-1430) a été le plus durable des États latins fondés à la suite de la quatrième croisade et de la prise de Constantinople par les croisés. La version grecque de la Chronique de Morée, dont il existe trois autres versions (en français, en italien et en aragonais) sensiblement différentes les unes des autres, raconte avec nostalgie les principaux événements de la période la plus glorieuse de cette domination française sur le Péloponnèse, celle de la conquête et du règne des Villehardouin. Cette chronique, écrite au XIVe siècle en langue vulgaire et en vers de quinze syllabes faits pour être récités, est aussi l'une des premières oeuvres d'une littérature grecque moderne qui commence à se faire jour à côté de la littérature byzantine écrite en langue savante.