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« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ». En une seule phrase, prononcée dit-on par Arnaud-Amaury, abbé de Cîteaux, peu avant le massacre de Béziers, il semble que soit résumée toute l'histoire de la Croisade contre les Albigeois. Elle a duré cependant près d'un demi-siècle, jusqu'au tragique bûcher de Montségur où les deux cents derniers Cathares furent brûlés vifs, retenus derrière une palissade et sous bonne garde.
Qui étaient ces centaines de milliers de personnes, qui avaient osé défier le Pape, son clergé, et l'une des armées les plus puissantes de l'époque, composée de combattants de toutes les nationalités ? C'est ce que nous raconte, en quelques dix mille vers et en occitan, cette Chanson de la Croisade albigeoise, écrite et déclamée dans les cours ou devant le menu peuple du Languedoc, par deux clercs - des poètes - dont l'un au moins, plutôt favorable aux hérétiques, est demeuré parfaitement inconnu. Cela n'a pas empêché cette geste haute en couleurs et en péripéties d'entrer dans la mémoire collective, en célébrant, parfois malgré elle et malgré les innombrables victimes de cette guerre, une des plus brillantes civilisations qu'ait connu, avec ses troubadours et ses cours d'amour, le monde occidental, celle du pays d'oc.
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Trois pièces du théâtre des Yuan
Anonyme
- Les Belles Lettres
- Bibliotheque Chinoise
- 29 Octobre 2015
- 9782251100180
En Chine, le théâtre chanté est apparu autour du XIIIe siècle de notre ère et a connu son plein épanouissement sous la dynastie mongole des Yuan (1279-1368). Le corpus dont nous disposons, constitué des cent-soixante-deux livrets qui nous sont parvenus, est d'une diversité et d'une richesse telles qu'on le considère depuis longtemps comme l'expression la plus haute du génie théâtral chinois. Dès le XVIIIe et XIXe siècles, les premiers traducteurs de ces pièces en avaient saisi l'importance et avaient insisté sur la nécessité de les découvrir pour mieux comprendre l'esprit de la civilisation chinoise. Destinées à un public populaire et écrites en langue vulgaire (à l'exception de les airs chantés), ces oeuvres nous renseignent en effet sur la manière dont les Chinois envisageaient certaines questions fondamentales : les sentiments, les valeurs, les croyances, les conflits individuels et collectifs ainsi que les ressources morales dont l'individu confronté aux situations les plus extrêmes devait se montrer capable.
Parmi ce vaste corpus, il nous a fallu choisir trois pièces qui nous paraissaient exemplaires et représentatives de la dramaturgie des Yuan. L'Automne au palais des Han, l'Orphelin des Zhao et Zhao Li offre sa chair sont les trois drames les plus connus du théâtre chinois qui ont été retenus pour cette édition.
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Le présent recueil est la traduction intégrale d'un manuscrit précieux daté de 1335 et conservé dans le fonds de la bibliothèque du Musée Guimet. Il contient quelque deux cents waka, poèmes de trente-et-une syllabes, le genre le plus prestigieux de la tradition japonaise.
Ces poèmes, composés entre le VIIe et le XIIIe siècle, sont dus à quatre-vingt auteurs différents, hommes et femmes. Ils parlent d'amour, des saisons, de voyages, mais aussi de la fragilité de toute existence.
Choisis par deux poètes majeurs, Fujiwara no Kintô (966-1041) et Fujiwara no Teika (1162-1241), les waka ici traduits (souvent pour la première fois) sont considérés par les Japonais comme des chefs-d'oeuvre. Leur beauté, souvent fulgurante, a traversé les siècles et l'espace.
Outre la traduction, le lecteur trouvera dans le présent ouvrage, informations et clefs nécessaires pour comprendre et apprécier pleinement ces joyaux de la poésie japonaise classique.
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Livres de morale révélés par les dieux
Anonyme
- Les Belles Lettres
- Bibliotheque Chinoise
- 4 Décembre 2012
- 9782251100111
Les livres de morale, shanshu sont encore peu étudiés et traduits en langues occidentales en dépit de leur importance fondamentale dans la pratique sociale, éthique et religieuse de la Chine moderne, depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours. On peut les définir comme des ouvrages consacrés à exhorter leurs lecteurs, par le raisonnement et l'exemple, à se conduire vertueusement. Ces exhortations se fondent sur la notion, commune à l'ensemble de la religion chinoise, de la rétribution morale des actes (bao ), notion que l'on trouve également exprimée, quoique sur des bases théologiques distinctes, dans les classiques des Trois enseignements (confucianisme, bouddhisme et taoïsme). Par religion chinoise, il faut entendre l'ensemble des croyances et pratiques faisant appel aux ressources (textes, clergés, rites, symboles) des Trois enseignements tout en étant le plus souvent largement indépendants. Les livres de morale, en accord avec les trois religions, affirment que tout acte vertueux (shan ) entraîne, immédiatement ou à terme, des conséquences favorables des bénédictions, fu , tandis que les actes vicieux (e ) entraînent des conséquences défavorables des malédictions, huo . Ils mettent en garde le lecteur contre les punitions qu'entraînent les péchés et les enjoignent à faire leur salut en détaillant de façon concrète un programme de vie pure menant à une bonne mort voire à la divinisation. Leurs thèmes principaux de réflexion sont le respect des dieux et des règles de pureté rituelle qui leur sont associées, la libre circulation des êtres et des biens ainsi que les Cinq normes sociales, très marquées par le confucianisme, qui déterminent les liens entre parents et enfants, mari et femme, frères aînés et cadets, souverain et sujet, ami et ami.Vincent Goossaert est historien, directeur d'études à l'EPHE et directeur adjoint du GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités, EPHE-CNRS). Il travaille sur l'histoire sociale de la religion chinoise moderne, et s'intéresse particulièrement au taoïsme, aux spécialistes religieux, aux politiques religieuses et à la production des normes morales. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages seul ou en collectif, dont La Question religieuse en Chine (avec D.A. Palmer, 2012).
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La comédie vénitienne ; la veniexiana
Anonyme
- Les Belles Lettres
- Bibliotheque Italienne
- 9 Janvier 2017
- 9782251730479
Cette comédie anonyme, exhumée en 1928 d'un manuscrit de la première moitié du XVI e siècle conservé à la Biblioteca Nazionale Marciana de Venise, sous un respect formel des cinq actes canoniques de la comédie classique et dans un langage apparemment châtié conforme aux exigences de la censure, met en scène les cinq étapes d'une initiation à l'amour dont l'étape centrale (l'acte III) fait de la pièce, à la barbe des sévères censeurs vénitiens, la plus audacieuse de la Renaissance italienne.
La pièce s'ouvre sur un bref monologue du seul personnage présent du début à la fin, Giulio, jeune homme étranger à la ville épris d'une jeune Vénitienne, Valiera, dont il ignore encore qu'elle est mariée. Giulio déclare à Oria, servante de Valiera, sa flamme pour sa maîtresse. S'ensuit un dialogue malicieux entre les deux femmes où il apparaît que Valiera ellemême avait remarqué le bel étranger et serait disposée à répondre à ses avances. Est alors introduit le personnage sur les initiatives duquel va reposer l'essentiel de l'intrigue : Angela, une veuve d'âge mûr follement éprise du jeune Giulio et qui se livre sur sa servante à des simulations d'un érotisme croissant. Les tentatives des deux femmes d'attirer Giulio dans leurs filets tournent à l'avantage de la veuve, grâce à l'entrée en scène et aux propos convaincants d'un portefaix bergamasque madré, Bernardo, qui accompagne Giulio au palais d'Angela. Le jeune homme y connaîtra une longue nuit d'amour en plusieurs étapes, rythmées et commentées, dans la cuisine à l'étage supérieur, par le portefaix et la servante. La découverte par Valiera de la chaînette de sa rivale au cou de Giulio amorce, avec l'échec de l'anomalie perturbatrice dont Angela était l'incarnation, un retour à la normalité d'où s'ensuivra la fin heureuse traditionnelle, à cette différence près : le triomphe final de l'amour n'aboutira pas au mariage de deux jeunes célibataires, mais à un adultère.
Entre la redécouverte et une pratique croissante de la comédie antique dans le courant du XV e siècle, la naissance et les développements dans les premières décennies du XVI e d'une comédie italienne source reconnue du théâtre européen moderne, la Veniexiana occupe une place non négligeable : tant par la superposition au schéma canonique de l'intrigue comique d'une aventure initiatique inspirée de l'art de la nouvelle et des romans, que par les libertés prises vis-à-vis des unités de temps - quatre jours et trois nuits - et particulièrement de lieu(x). Leur multiplicité ne manqua pas de poser des problèmes inédits de mise en scène sur la résolution desquels on se perd encore en conjectures.
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Le Mahabhasya est le commentaire du linguiste Patanjali sur les Karika de Katyayana et l'Astadhyayi de Panini rédigé au milieu du IIe siècle av. J.-C. par un auteur dont nous connaissons seulement le nom. Plus d'un millénaire plus tard, sur la base d'un mythe, on a associé le nom Patanjali à l'auteur anonyme du Yogasutra : l'un avait purifié le domaine de la parole, l'autre celui de l'esprit. Mais il est sûr que l'auteur du Mahabhasya n'a rien à voir avec le yoga : c'est un pur linguiste.
Les trois auteurs (Panini, Katyayana et Patanjali) et les trois ouvrages constituent la base de la conscience linguistique dans le monde sanskrit, quelle que soient les préférences idéologiques et religieuses des auteurs. Ils forment le trimuni vyakaranam « La Grammaire des trois sages ».
Le Mahabhasya est un ouvrage technique ; il suppose connue l'Astadhyayi de Panini (vers le Ve siècle av. J.-C.) et les principaux problèmes d'herméneutique posée par ce texte. C'est donc un ouvrage de grammaire et d'exégèse. De plus, ce nom Mahabhasya « Grand Commentaire », donné par le linguiste Bhartrhari (Ve s. ap. J.-C.), en ne précisant pas la matière commentée, montre la place unique que l'ouvrage occupe dans la littérature commentariale : il en est le modèle. Avec Patanjali, la méthode commentariale est fixée une fois pour toutes et, malgré la naissance d'autres savoirs, le Mahabhasya est demeuré la norme en matière de commentaire quelle que soit la nature du texte commenté. Ces dernières années, l'intérêt pour le Sutra de Panini, proche dans une certaine mesure de l'esprit des programmes informatiques, a entraîné une relative désaffection envers le Mahabhasya. Les travaux de S.D. Joshi et J.A.F. Roodbergen et ceux de P.-S. Filliozat, des entreprises d'envergure, ont été interrompus si bien que le Mahabhasya n'est toujours pas traduit dans une langue européenne. Ce faisant, on s'intéressait plus aux ouvrages de Vyakarana tardif, ceux de Bhattoji Diksita (XVIIe siècle) et de Nagesa (XVIIIe siècle) notamment parce qu'en Inde les derniers érudits travaillent moins à partir de Panini et Patanjali que de Bhattoji, etc. Nous espérons renouer, avec d'autres, au renouveau des études sur le Mahabhasya, afin à terme de terminer le travail brillamment commencé par P.-S.
Filliozat. La Paspasa tient lieu d'introduction du Mahabhasya ; c'est la seule section où l'auteur parle sans commenter précisément le texte, exprime sa conception de la langue et de la grammaire. Sa moindre technicité permet au lecteur attentif de comprendre les bases de la problématique linguistique sanskrite. La Paspasa est chère aux pandits « érudits » qui souvent la connaissaient par coeur, même s'ils n'étaient pas des grammairiens professionnels. On y voit in nuce tous les problèmes posés ultérieurement par la grande tradition linguistique en Asie du Sud, le tout servi par une langue classique, remarquablement précise, et témoignant d'une insigne intelligence du texte. Et surtout le texte reste compréhensible pour les lecteurs. L'auteur, en plus de la traduction (un travail déjà bien réalisé par ses devanciers) a surtout porté son effort dans les notes pour expliquer le texte, pour en montrer l'épaisseur en terme de culture, et aussi de vie et de conscience.
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Vie d'Abercius, vie de Polycarpe, les vies légendaires de deux évêques du IIe siècle
Anonyme
- Les Belles Lettres
- La Roue A Livres
- 13 Octobre 2017
- 9782251447131
Écrites au IVe siècle pour célébrer la mémoire d'anciens évêques de leur cité, dont l'un n'était connu que par son épitaphe, et l'autre par le récit authentique de son martyre, ces deux biographies les présentent avec des traits hagiographiques, mettant en relief leurs vertus, la qualité et l'orthodoxie de leur enseignement doctrinal, le succès de leur activité d'évangélisation, leurs pouvoirs de thaumaturge, mis au service de leur cité - l'un découvre des sources thermales, obtient de l'impératrice des dons destinés aux pauvres, l'autre guérit des malades, fait cesser par sa prière un grave incendie, une inondation, une sécheresse.
Ces biographies tracent ainsi le portrait idéal de l'évêque du IVe siècle, enseignant et garant de la vraie doctrine contre les déviations hérétiques, protecteur et bienfaiteur de sa cité. Elles témoignent aussi de la manière dont deux communautés chrétiennes asiates du IVe siècle, à une époque où le christianisme était devenu majoritaire, repensent leur passé païen et chrétien (ainsi dans la Vie d'Abercius), ou font remonter au IIe siècle les pratiques et les problèmes de leur époque (dans celle de Polycarpe).