« Comment l'appeler ?
Je dis Anne, mais cette fausse intimité me met mal à l'aise. Je ne peux pas dire Anne, quelque chose m'en empêche, qui, au cours de la nuit, se matérialisera par l'impossibilité de rester dans sa chambre. Alors je dis Anne Frank, comme on évoque l'ancienne élève brillante d'un collège fantomatique. Deux syllabes.
Anne Frank, une histoire que « tout le monde connaît » tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Car « tout le monde connaît » ne dit pas que « tout le monde sait », mais qu'on est pressé de passer à autre chose, de le ranger au Musée, ce petit fantôme.
La Maison Anne Frank est un appartement vide. C'est l'absence de ses habitants devant laquelle les visiteurs défilent. C'est le vide qui transforme cet appartement, l'Annexe, en musée. Mais le vide n'existe pas. Il est peuplé de reflets qui témoignent de l'abîme, celui de la disparition d'Anne Frank.
Toute la nuit, j'irai d'une pièce à l'autre, comme si une urgence se tenait tapie encore, à retrouver. »
Grand Prix de Littérature américaine 2022Sélection Les 100 livres de 2022- Lire magazine littéraire« Son dernier livre propulse notre bonheur de lecture à des altitudes stratosphériques. » Page des librairesUn manuscrit ancien traverse le temps, unissant le passé, le présent et l'avenir de l'humanité. Avez-vous jamais lu un livre capable de vous transporter dans d'autres mondes et à d'autres époques, si fascinant que la seule chose qui compte est de continuer à en tourner les pages ?Le roman d'Anthony Doerr nous entraîne de la Constantinople du XVe siècle jusqu'à un futur lointain où l'humanité joue sa survie à bord d'un étrange vaisseau spatial en passant par l'Amérique des années 1950 à nos jours. Tous ses personnages ont vu leur destin bouleversé par La Cité des nuages et des oiseaux, un mystérieux texte de la Grèce antique qui célèbre le pouvoir de de l'écrit et de l'imaginaire. Et si seule la littérature pouvait nous sauver ?« Ce roman follement inventif grouille de vie, convoque une somme impressionnante de savoir et d'expériences, et incarne lui-même ce don de raconter des histoires qu'il célèbre. » The New York Times« La Cité des nuages et des oiseaux ne ressemble à aucun autre livre que vous avez lu. » The San Francisco Chronicle« Une merveilleuse histoire, riche de personnages singuliers et d'une langue magnifique. » The Wall Street Journal « Un livre sublime, d'une construction et d'une beauté renversantes. » Librairie Le Temps d'un livre, Pontarlier
«Là, sur la route de la mer, après le portail blanc, dissimulées derrière les haies de troènes, les tilleuls et les hortensias, se trouvaient les vacances en Bretagne. Août était le mois qui ressemblait le plus à la vie.»Après de longues années d'absence, un jeune homme retourne dans la grande maison familiale. Dans ce décor de toujours, au contact d'un petit cousin qui lui ressemble, entre les après-midi à la plage et les fêtes sur le port, il mesure avec mélancolie le temps qui a passé.Chronique d'un été en pente douce qui commence dans la belle lumière d'août pour finir dans l'obscurité, ce roman évoque avec beaucoup de délicatesse la bascule de l'enfance à l'âge adulte.
Un matin d'août. Tout le monde dort encore dans la maison familiale nichée au milieu des bois. Ellie se glisse dans l'eau froide de l'étang voisin. C'est ici, au cap Cod, que sa famille passe l'été depuis des générations. Mais ce matin est différent. La veille, Ellie et Jonas, son ami d'enfance, se sont échappés quelques instants pour faire l'amour.
Dans les heures à venir, Ellie va devoir choisir entre ce qu'elle a construit avec l'époux qu'elle chérit, Peter, et l'histoire qu'elle a longtemps désirée avec Jonas, avant que le sort en décide autrement.
Vingt-quatre heures et cinquante ans de la vie d'une femme au bord du précipice. Durant cette journée de doute mêlant bonheurs et regrets, Ellie sera rattrapée par l'héritage familial, tissé de tragédies intimes et de secrets.
Par petites touches et dans une langue aussi limpide qu'inspirée, Miranda Cowley Heller donne à voir avec une grande justesse les émotions complexes qui unissent et déchirent les gens qui s'aiment.
Sélectionné pour le prestigieux Women's Prize 2022.
Dans un menu enfant, on trouve un burger bien emballé, des frites, une boisson, des sauces, un jouet, le rêve. Et puis, quelques années plus tard, on prépare les commandes au drive, on passe le chiffon sur les tables, on obéit aux manageurs : on travaille au fastfood.
En deux récits alternés, la narratrice d'En salle raconte cet écart. D'un côté, une enfance marquée par la figure d'un père ouvrier. De l'autre, ses vingt ans dans un fastfood, où elle rencontre la répétition des gestes, le corps mis à l'épreuve, le vide, l'aliénation.
Été 1984 à Breathed, Ohio. Hanté par la lutte entre le bien et le mal, le procureur Autopsy Bliss publie une annonce dans le journal local : il invite le diable à venir lui rendre visite.
Le lendemain, son fils Fielding découvre un jeune garçon à la peau noire et aux yeux d'un vert intense, planté devant le tribunal, qui se présente comme le diable en personne. Cet enfant à l'âme meurtrie, heureux d'être enfin le bienvenu quelque part, serait-il vraiment l'incarnation du mal ? Dubitatifs, les adultes le croient en fugue d'une des fermes voisines, et le shérif lance son enquête. Se produisent alors des événements étranges qui affectent tous les habitants de Breathed, tandis qu'une vague de chaleur infernale frappe la petite ville.
Porté par une écriture incandescente, L'été où tout a fondu raconte la quête d'une innocence perdue et vient confirmer le talent exceptionnel d'une romancière à l'imaginaire flamboyant.
Nageurs et nageuses de cette piscine que tous appellent là en bas ne se connaissent qu'à travers leurs routines et petites manies, et les longueurs, encore, encore. Ils y viennent à heure fixe pour se libérer des fardeaux de là-haut.Alice, tout spécialement, trouve un grand réconfort dans sa ligne de nage. Et puis un jour, une fissure apparaît au fond, dans le grand bain, en préfigurant d'autres, celles de son cerveau. Pour elle, l'inéluctable fermeture résonne comme un clap de fin. Remontent alors à la surface des souvenirs de jadis, de l'internement dans un camp pour Nippo-Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, d'une enfant perdue très tôt, pourtant si parfaite... Mais Alice oublie chaque jour un peu plus.Là où il faudra bien se résoudre à l'enfermer, sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du paysage fracturé qu'est devenue leur relation lacunaire.
"Zoé nichait à l'intérieur de moi, dans le moindre repli de ma peau, dans mon ventre, entre mes bras, derrière mes paupières, dans l'air que je respirais. Elle ne me laissait pas de répit.".
Ce matin, Izia regarde son mari quitter l'appartement où ils ont élevé leur fille Zoé, renversée par un chauffard quelques mois auparavant. Izia n'a pas un geste pour le retenir. Elle est soulagée d'être seule avec son chagrin, libre de s'enfermer dans la chambre intacte de Zoé.
Mais au fi l des jours, la faim, le besoin de marcher, de sentir le soleil sur sa peau, reviennent. Izia comprend qu'elle doit vivre cet « après » et trouver une activité où nul ne sait rien de sa perte. Elle a l'idée de proposer ses services à des gens souhaitant débarrasser le domicile d'un proche disparu.
Ainsi Izia devient-elle une drôle de déménageuse. Pour l'aider, elle embauche Samuel, un jeune homme au franc-parler déconcertant et aux fragilités touchantes.
Cette rencontre, et toutes celles suscitées par son travail incongru, sont les premiers fils bien fragiles qui ramèneront peu à peu cette femme perdue vers la vie.
Je n'ai pas été un nazi. Ce que je veux te raconter ne concerne ni des atrocités, ni un génocide. Je n'ai pas vu les camps de la mort et je ne suis pas qualifié pour en dire un seul mot. J'ai lu le livre de Primo Levi sur ce sujet, comme tout le monde. Sauf qu'en le lisant, nous, les Allemands, nous sommes obligés de penser : Nous avons commis cela.
Longtemps, les questions posées par Callum à son grand-père allemand sur la guerre sont restées sans réponse. Et puis, un jour, Meissner s'est décidé à raconter.
Sa vie de soldat sur le front de l'Est, les débuts triomphants, l'esprit de corps, l'ivresse des batailles, et puis le froid, la faim, la misère. Et surtout l'année 1944 quand lui et ses camarades ont compris que la guerre était perdue ; que tout ce en quoi ils avaient cru, tout ce qui les faisait tenir, l'appartenance à une nation, l'espoir d'une guerre rapide, les rêves de retour, tout était en train de s'écrouler ; que dans la déroute, les hommes ne sont plus des hommes ; que le désespoir vous fait accomplir le pire et que rien, jamais, ne permettra d'expier la faute de tout un peuple.
« Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur ».
Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Quelques lettres et tout change.
À son arrivée, enfant, à Saint-Étienne, au lendemain de la chute de l'URSS, elle se dédouble : Polina à la maison, Pauline à l'école. Vingt ans plus tard, elle vit à Montreuil. Elle a rendez-vous au tribunal de Bobigny pour tenter de récupérer son prénom.
Ce premier roman est construit autour d'une vie entre deux langues et deux pays. D'un côté, la Russie de l'enfance, celle de la datcha, de l'appartement communautaire où les générations se mélangent, celle des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l'autre, la France, celle de la materneltchik, des mots qu'il faut conquérir et des Minikeums.
Drôle, tendre, frondeur, Tenir sa langue révèle une voix hors du commun.
Tokyo, 1995. Des attentats au gaz sarin. Vingt-cinq ans plus tard, une enquête. Des témoins. Des scolopendres. Des veuves noires. Des oublis. Des murmures. Des non-dits. La narratrice peine à déchiffrer les signes équivoques qui lui parviennent. De rencontre en rencontre, elle se laisse traverser par ce que le pays cache et révèle. Un apprentissage de l'abandon et du lâcher-prise.
Alice, une jeune romancière ayant connu un succès fulgurant, quitte Dublin pour s'installer dans un village d'Irlande. Elle fait la connaissance de Felix sur un site de rencontres. Eileen, la meilleure amie d'Alice, préfère rester dans la capitale et travaille pour un magazine littéraire. Elle renoue avec Simon, un copain d'enfance qui n'a jamais caché son attirance pour elle. Malgré la distance, Alice et Eileen se parlent presque tous les jours, ou plutôt elles s'écrivent. Des e-mails aussi drôles qu'intimes où elles laissent libre cours à leurs réflexions sur le sexe, l'amour, l'argent, l'amitié, la politique.
Mais le monde s'assombrit. L'inégalité, l'injustice, la violence ne cessent de grandir. Comment continuer à se comprendre, s'aimer et admirer la beauté qui nous entoure quand le pire semble inévitable ?
Après Normal People, Sally Rooney nous fait partager les rêves et les déceptions de ces enfants du siècle avec une franchise et une justesse remarquables.
Ariane est une jeune femme en difficulté sociale et personnelle. Elle préfère rester cloîtrée chez elle, jusqu'au jour où Sandrine, sa meilleure amie d'enfance, l'invite à ses fiançailles. Pour l'aider à se repérer et lui permettre d'arriver à bon port, Sandrine partage sa localisation avec elle sur son téléphone. Guidée par le point rouge qui représente Sandrine dans l'espace du GPS, Ariane se rend donc aux fiançailles. Mais le lendemain, Sandrine a disparu. Elle ne répond plus au téléphone. Aucune trace d'elle. Aucune, sauf ce point GPS, qui continue d'avancer. Et qu'Ariane ne va plus quitter des yeux. Le GPS lui procure un sentiment de proximité avec Sandrine.
Comme si elles partageaient un secret. Jusqu'à la découverte d'un cadavre calciné au bord d'un lac où le point GPS de Sandrine s'est rendu. S'agit-il de son cadavre ? Mais le point bouge encore. Qui est derrière le point alors ? Ariane enquête, est-ce le fiancé de Sandrine qui anime le GPS ? Une ancienne amie ou Antoine, son compagnon ? Toutes les pistes sont des impasses. Plus troublant encore : le point sur le GPS persiste à conduire Ariane sur les lieux de leur amitié. Pour en avoir le coeur net, elle laisse un message vocal à Sandrine pour lui donner rendez-vous dans un lieu qu'elle seule peut connaître. Lorsque le GPS indique que Sandrine se rend dans ce lieu, Ariane est persuadée de s'être jusque-là trompée. Sandrine n'est pas morte ! Le point est bien son amie.
Mais elle commence à confondre le monde réel et le support numérique. La police révèle que Sandrine est bien morte, Ariane désactive la localisation partagée. Elle tente de reprendre le cours de sa vie et d'oublier le GPS.
Mais une nouvelle notification l'interrompt : Sandrine souhaite à nouveau partager sa localisation avec elle.
Le GPS mènera la narratrice au point de rendez-vous final. Écrit comme un thriller, ce roman, sur l'amitié et la mort, sur les fragilités sociales et psychiques, traverse les illusions et l'impossibilité du deuil à l'aune de nos addictions numériques.
Un enfant arrive en hiver dans une région de haute montagne. Parisien il découvre la neige pour la première fois. Un décor impensé, impensable se dresse devant lui, cerné de pics et de glaciers qui par instant se dessinent dans l'épaisseur du brouillard. Dans cette vallée isolée en haute montagne, à courte distance du Mont-Blanc, la nature règne en maître au rythme des saisons, ces cycles immuables au cours desquels des hommes et des femmes, des gosses, aux vies modestes mais d'une humanité décuplée par le sens et la nécessité de leurs tâches, vont partager leur monde avec ce citadin, ébahi.
Temps de guerre, temps de tourments, temps de fuite, irruption de la montagne comme recours ; ces pages magnifiques sont une échappée salvatrice.
Valentine Goby donne probablement ici le meilleur de ses romans, la portée de son livre est fascinante. Toute l'altitude d'un écrivain.
« Je veux être défendue par une femme », a dit Lisa en se présentant à Alice Keridreux.
Un face-à-face commence. Ni l'une, ni l'autre ne savent jusqu'où il va les mener.
C'est une suite de lettres entre amis qui se sauvent la vie. Dans ce roman épistolaire, Virginie Despentes revient sur le thème qui unit tous ses livres - comment l'amitié peut naître entre personnes qui n'ont à priori rien à faire ensemble.
Rebecca a dépassé la cinquantaine, elle est actrice, elle est toujours aussi séduisante. Oscar a quarante-trois ans, il est un auteur un peu connu, il écoute du rap en essayant d'écrire un nouveau livre. Ils sont des transfuges de classe que la bourgeoisie n'épate guère. Ils ont l'un comme l'autre grandi et vieilli dans la culture de l'artiste défoncé tourmenté et sont experts en polytoxicomanie, mais pressentent qu'il faudrait changer leurs habitudes. Zoé n'a pas trente ans, elle est féministe, elle ne veut ni oublier ni pardonner, elle ne veut pas se protéger, elle ne veut pas aller bien. Elle est accro aux réseaux sociaux - ça lui prend tout son temps.
Ces trois-là ne sont pas fiables. Ils ont de grandes gueules et sont vulnérables, jusqu'à ce que l'amitié leur tombe dessus et les oblige à baisser les armes.
Il est question de violence des rapports humains, de postures idéologiques auxquelles on s'accroche quand elles échouent depuis longtemps à saisir la réalité, de la rapidité et de l'irréversibilité du changement. Roman de rage et de consolation, de colère et d'acceptation, Cher connard présente une galerie de portraits d'êtres humains condamnés à bricoler comme ils peuvent avec leurs angoisses, leurs névroses, leurs addictions aux conflits de tous ordres, l'héritage de la guerre, leurs complexes, leurs hontes, leurs peurs intimes et finalement - ce moment où l'amitié est plus forte que la faiblesse humaine.
«Si tu étais si attaché à ta carte d'ouvrier, c'est sans doute parce que tu étais un homme sans titre. Toi qui es né dépossédé, de tout titre de propriété comme de citoyenneté, tu n'auras connu que des titres de transport et de résidence. Le titre en latin veut dire l'inscription. Et si tu étais bien inscrit quelque part en tout petit, ce n'était hélas que pour t'effacer. Tu as figuré sur l'interminable liste des hommes à broyer au travail, comme tant d'autres avant toi à malaxer dans les tranchées.»En lisant Misère de la Kabylie, reportage publié par Camus en 1939, Xavier Le Clerc découvre dans quelles conditions de dénuement son père a grandi. L'auteur retrace le parcours de cet homme courageux, si longtemps absent et mutique, arrivé d'Algérie en 1962, embauché comme manoeuvre à la Société métallurgique de Normandie. Ce témoignage captivant est un cri de révolte contre l'injustice et la misère organisée, mais il laisse aussi entendre une voix apaisée qui invite à réfléchir sur les notions d'identité et d'intégration.
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux histoires : celle de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans la lignée d'Annie Ernaux ou de Didier Éribon, Anthony Passeron mêle enquête sociologique et histoire intime. Dans ce roman de filiation, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et le malade considéré comme un paria.
Liwa Ekimakingaï a passé son enfance et continue d'habiter chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l'hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l'amour. Un soir de 15 août où l'on fête l'indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours à peine achetés l'après-midi, et assez extravagants, pour aller en boîte. Au bord de la piste de danse, la belle Adeline semble inatteignable. Pourtant, elle accepte ses avances, sans toutefois se compromettre. Elle signera sa fin...
Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. Pour se venger ?
En toile de fond, la ville de Pointe-Noire et ses cimetières - en particulier le Cimetière des Riches, où tout le monde rêverait d'avoir une sépulture mais où les places sont très chères, et celui dit Frère-Lachaise, pour le tout-venant dont Liwa fait partie.
Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d'ailleurs étrangement vivants.
White Forest, Mississippi. Cachée au milieu de la forêt, la carrière fascine autant qu'elle inquiète. On murmure que des esprits malveillants se dissimulent dans ses eaux profondes. Par une chaude journée d'été, Roberta et Willet bravent toutes les superstitions pour aller s'y baigner avec leur petite soeur, Pansy. En quête de baies, ils s'éloignent de la carrière. Quand ils reviennent, Pansy a disparu.
Quelques années plus tard, Roberta et Willet, qui n'ont jamais renoncé à retrouver leur soeur, suivent un indice qui les mène dans le sud de la Floride. C'est là, dans les troubles profondeurs des Everglades, qu'ils espèrent trouver la réponse à toutes leurs questions.
Pendant des années, Kessané et sa soeur ont passé une partie de leurs étés en Géorgie, chez leurs grandsparents.
Même quand la situation politique est devenue instable, leur mère, Daredjane, tenait à ne pas les couper de son pays natal, qu'elle avait quitté pour s'installer en France avec son mari. Ainsi, tous les étés des années 1980, la même scène se reproduisait à l'aéroport de Moscou, au retour des vacances : les douanières soviétiques fouillaient les valises, menaçaient, terrorisaient les filles, ne manquant jamais de rappeler à Daredjane qu'ici, elle était soviétique, pas française, jusqu'à ce qu'enfin elles les laissent monter dans leur avion pour Paris.
Leur père, Tamaz, d'origine géorgienne lui aussi, issu de l'émigration de ses parents en 1921, les y attendait. La famille se retrouvait, reprenant le cours paisible des jours, dans leur pavillon du Vésinet.
Bien longtemps après, Daredjane contemple tristement le portrait de Tamaz. Son mari est mort depuis dix ans déjà et elle ne parvient pas à surmonter son chagrin. Dans la belle maison de Kessané en Provence, elle se sent seule, étrangère, tout est trop raffiné, trop loin d'elle et de la simplicité dans laquelle elle a élevé ses filles. Elle reproche à Kessané, devenue une brillante journaliste, de ne pas lui témoigner assez de compassion, de négliger sa soeur, d'être dure. La mort de Tamaz a fait voler en éclats l'harmonie passée, les soeurs, qui furent si proches, se sont éloignées l'une de l'autre.
Les raisons de ce désamour, Kéthévane Davrichewy va dès lors tenter de les élucider à la lumière des souvenirs heureux. Tout était si simple avant, et si romanesque : le coup de foudre de Tamaz pour Daredjane, venue se produire au théâtre des Champs-Élysées avec le Ballet de Géorgie ; la détermination de la belle danseuse à venir le rejoindre à Paris, alors qu'elle était repartie chez elle ; les vacances enchantées des filles avec leur mère dans la maison d'Abkhasie ; les premières amours de Kessané pour ce jeune Géorgien, un voisin de ses grands-parents...
Alternant passé et présent, la subtile romancière excelle à suggérer les failles, à scruter les dissonances - pourquoi Tamaz n'a-t-il jamais accompagné sa femme et ses filles en Géorgie ? - et surtout les silences :
Si on ne parlait pas de politique, encore moins devant les enfants, c'est pourtant sur fond d'exil et de guerre que s'est écrite l'histoire de cette famille apparemment si ordinaire.
Comme autant d'ondes de choc, les drames de leur pays d'origine viennent alors se mêler au drame intime que vivent ces trois femmes soudain confrontées à leur solitude. Nous nous aimions est un très beau roman sur les infinies répercussions que nous fait vivre la perte de l'enfance.
- Tu crois qu'il va venir? m'a demandé Antoine en s'allumant une cigarette.J'ai haussé les épaules. Avec Paul comment savoir? Il n'en faisait toujours qu'à sa tête. Se souciait peu des convenances. Considérait n'avoir aucune obligation envers qui que ce soit. Et surtout pas envers sa famille, qu'il avait laminée de film en film, de pièce en pièce, même s'il s'en défendait.- En tout cas, a repris mon frère, si demain il s'avise de se lever pour parler de papa, je te jure, je le défonce.- Ah ouais? a fait une voix derrière nous. Je serais curieux de savoir comment tu comptes t'y prendre...Antoine a sursauté. Je me suis retournée. Paul se tenait là, dans l'obscurité, son sac à la main. Nous n'avions pas entendu grincer la grille. J'ignore comment il s'y prenait. Ce portillon couinait depuis toujours. Aucun dégrippant, aucun type d'huile n'avait jamais réussi à le calmer. Mais Paul parvenait à le pousser sans lui arracher le moindre miaulement.
Gaspar est un artiste reconnu et sollicité. Pourtant, en ce début de printemps, il ne rêve que de quitter Paris, et de s'installer quelques jours place Campo de' Fiori à Rome. Là, à une terrasse de café, devant un jeu d'échecs, il joue contre des badauds de passage et savoure la beauté des jours.
Un matin, une femme s'installe à sa table pour une partie. Elle s'avère être une adversaire redoutable et gagne très vite. Elle s'appelle Marya, vient de Hongrie. L'histoire entre eux naît sur l'échiquier, avant de se déployer ailleurs avec douceur.
Sous l'ombre tutélaire du grand Giordano Bruno dont la statue pèse sur le Campo de'Fiori, Marya et Gaspar vont se révéler - dans le creuset de leurs énigmes, de leurs esprits vifs et volontiers joueurs, de leurs regards singuliers et acérés sur le monde.
L'amour s'impose alors, implacable comme une attaque de mat.
Partie italienne, nouveau roman d'Antoine Choplin, ne revendique rien, ne prend aucun parti, ne défend aucune cause.
Prédominent, au fil des pages, la légèreté de l'existence et la puissance de la mémoire.
L'histoire commence en Espagne, par deux naissances et deux abandons. En juin 1943, une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon qu'elle confie aux jésuites. Un peu plus tard, en Galice, une femme accouche d'une fille et la laisse aux soeurs d'un couvent. Elle revient la chercher dix ans après. L'enfant est belle comme le diable, jamais elle ne l'aimera.
Le garçon, c'est Julian. La fille, Victoria. Ce sont le père et la mère de Maria, notre narratrice.
Dans la première partie du roman, celle-ci déroule en parallèle l'enfance de ses parents et la sienne. Dans un montage serré champ contre champ, elle fait défiler les scènes et les années : Victoria et ses dix frères et soeurs, l'équipe de foot du malheur ; Julian fuyant l'orphelinat pour s'embarquer en mer. Puis leur rencontre, leur amour et leur départ vers la France. La galicienne y sera femme de ménage, le fils de pute, gardien du théâtre de la Michodière. Maria grandit là, parmi les acteurs, les décors, les armes à feu de son père, basque et révolutionnaire, buveur souvent violent, les silences de sa mère et les moqueries de ses amies. Mais la fille d'immigrés coude son destin. Elle devient réalisatrice, tombe amoureuse, fonde un foyer, s'extirpe de ses origines. Jusqu'à ce que le sort l'y ramène brutalement. A vingt-sept ans, une tarologue prétend qu'elle ne serait pas la fille de ses parents. Pour trouver la vérité, il lui faudra retourner à Bilbao, la ville où elle est née. C'est la seconde partie du livre, où se révèle le versant secret de la vie des protagonistes au fil de l'enquête de la narratrice.
Stupéfiant de talent, d'énergie et de force, Les gens de Bilbao naissent où ils veulent nous happe dès le premier mot. Avec sa plume enlevée, toujours tendue, pleine d'images et d'esprit, Maria Larrea reconstitue le puzzle de sa mémoire familiale et nous emporte dans le récit de sa vie, plus romanesque que la fiction. Une histoire d'orphelins, de mensonges et de filiation trompeuse. De corrida, d'amour et de quête de soi. Et la naissance d'une écrivaine.